Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a organisé, le mercredi 18 juin 2025 à son siège à Rabat, une rencontre pour présenter les conclusions de son avis sur le thème : « Les formes atypiques d’emploi et les relations professionnelles : nouveaux défis et opportunités émergentes ».
Amara : Trouver un équilibre entre la compétitivité des entreprises et les droits économiques et sociaux des travailleurs dans les nouvelles formes d’emploi
Dans une allocution prononcée à cette occasion, Dr Abdelkader Amara, président du CESE, a souligné que le marché du travail connaît, ces dernières années, une transformation profonde, marquée par la montée en puissance de nouvelles formes d’emploi qui s’écartent des schémas classiques reposant sur l’emploi salarié, permanent et stable.
Dr Amara a ajouté que, malgré les avantages et les opportunités qu’offrent ces nouvelles formes d’emploi aux deux parties de la relation de travail, celles-ci restent jalonnées de défis et de problématiques liés, en particulier en matière d’encadrement juridique approprié, de rémunération équitable, d’accès à la protection sociale, de respect des conditions de santé et de sécurité au travail, ainsi que d’autres droits économiques et sociaux des travailleuses et travailleurs.
Dans ce contexte, le Conseil estime que l’instauration d’un environnement de travail flexible, capable d’intégrer les nouvelles formes d’emploi, doit reposer sur un équilibre entre, d’une part, la compétitivité des entreprises et les exigences du marché, et d’autre part, les normes du travail décent devant être garanties aux travailleurs et travailleuses exerçant dans ces formes atypiques telles que l’équité salariale, la protection sociale, les conditions de santé et sécurité au travail, la liberté syndicale, le droit à la négociation collective, ainsi que l’ensemble des droits et acquis constitutionnels, conventionnels et législatifs dont bénéficient les salariés en emploi structuré et stable.
Pour sa part, M. Mohamed Mostaghfir, membre du Conseil et rapporteur du thème, a souligné lors de la présentation des conclusions de cet avis, que l’émergence des formes atypiques d’emploi au Maroc, et ses impacts sur les relations de travail, représentent une opportunité pour le pays d’attirer des investissements dans ces nouveaux secteurs, de créer davantage d’emplois pour les jeunes et les femmes, et de renforcer la performance et la compétitivité des entreprises dans un environnement professionnel marqué par la flexibilité et la capacité d’adaptation aux évolutions.
Recommandations du Conseil
À travers cette auto-saisine, le Conseil économique, social et environnemental vise à appréhender les dynamiques des formes atypiques d’emploi — en particulier le télétravail, le travail via les plateformes et applications numériques, et le travail à temps partiel — qui se développent dans plusieurs secteurs économiques et services publics, et à explorer les moyens d’accompagner ces nouvelles formes par une régulation et une organisation appropriées en vue de créer de nouveaux emplois, d’améliorer la productivité et la compétitivité des entreprises, et de dynamiser l’économie nationale, tout en garantissant des conditions de travail décent pour les travailleurs et travailleuses.
A la lumière du diagnostic établi et de l’analyse des opportunités et défis liés à ces formes d’emploi, le Conseil propose un ensemble de recommandations, parmi lesquelles il convient de:
- Asseoir un cadre juridique clair et adapté pour encadrer les formes atypiques d’emploi, ce qui nécessite :
- d’inscrire dans le Code du travail des dispositions explicites encadrant le travail à temps partiel, définissant les droits et responsabilités de l’employeur et du salarié ainsi que les modalités et possibilités de passage du travail à temps plein au travail à temps partiel, ou inversement, selon la volonté conjointe des deux parties.
- de mettre à jour les dispositions légales relatives au télétravail, notamment l’article 8 du Code du travail, afin d’y inclure explicitement les salariés travaillant depuis leur domicile ou tout autre lieu, en utilisant les outils et technologies d’information et de communication.
- d’établir une définition juridique précise de la relation de travail dans le cadre des activités menées via les plateformes numériques, en clarifiant les différents statuts contractuels possibles (salariat, travail indépendant, sous-traitance, etc.) en fonction des spécificités de chaque activité, aux fins d’assurer une protection juridique adaptée aux travailleurs de ce secteur en pleine expansion.
- Adapter la législation sociale et les conditions de travail pour mieux protéger les travailleurs concernés. Il y a lieu à cet égard de procéder à une révision des conditions d’accès aux prestations de protection sociale pour tenir compte des spécificités de ces formes d’emploi, en veillant à garantir aux travailleurs les mêmes droits sociaux que les salariés dits en emploi stable. Il s’agit aussi d’assurer des conditions de santé et sécurité au travail adaptées, en intégrant les risques d’accidents et de maladies professionnelles propres aux environnements atypiques.
- Assurer l’accès à la formation continue aux travailleurs en emploi atypique, qu’ils soient salariés du secteur privé ou travailleurs indépendants et ce, conformément à la réglementation en vigueur.
- Intégrer explicitement les formes atypiques d’emploi et les mutations du marché du travail dans les thématiques du dialogue social, tant au niveau national que sectoriel, afin de favoriser la co-construction de politiques publiques concertées.
- Garantir aux travailleurs en emploi atypique le droit à la négociation collective avec les employeurs et leurs représentants à tous les niveaux, en favorisant leur droit à l’organisation et la représentation syndicale et professionnelle, dans la perspective de conclure des conventions collectives assurant la protection de leurs droits et intérêts.
- Mettre en place des dispositifs de veille et élaborer, de manière régulière, des études prospectives afin d’anticiper les évolutions du marché du travail, orienter les politiques publiques en matière d’emploi, et identifier en amont les métiers et compétences nécessaires pour répondre aux exigences des emplois de demain. Cela passe par le renforcement des capacités et des ressources de l’Observatoire national du marché du travail, tout en impliquant les institutions de recherche ainsi que les acteurs socioéconomiques.