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Le rapport du CESE, intitulé « Renforcer et élargir la classe moyenne au Maroc: Enjeux et voies pour une classe moyenne qualifiée, épanouie et entreprenante », vise à apporter des éléments de réponses à deux questions formulées dans la saisine de la Chambre des Conseillers ; à savoir: la notion ou le concept de classe moyenne et les voies et moyens de la préserver et de l’élargir.
Dans ce sens, le Conseil Economique Social et Environnemental propose plusieurs recommandations en vue de mieux cerner la classe moyenne en traçant les contours d’une définition alternative ainsi que de la préserver, la renforcer et l’élargir pour lui permettre de jouer pleinement son rôle, dans le développement de notre pays.
A l’heure où notre pays s’apprête à adopter un nouveau modèle de développement, la préservation et le renforcement d’une classe moyenne formée, épanouie et entreprenante, sont primordiaux pour réussir la transition vers un nouveau palier de développement.
Le dynamisme de la classe moyenne joue un rôle essentiel en tant que facteur de croissance et de stabilité économique. Elle soutient la consommation, stimule en grande partie l’investissement dans l’éducation, la santé et le logement, et exerce aussi un rôle majeur dans le maintien des systèmes de protection sociale grâce aux contributions et impôts versés par les ménages. En outre, une classe moyenne importante, grâce à sa capacité d’épargne, constitue un puissant levier de financement de l’investissement.
Par ailleurs, l’existence d’une classe moyenne est un facteur de stabilité politique car elle est généralement le reflet d’une plus grande cohésion sociale, d’inégalités moins marquées et d’un ascenseur social en marche.
Bien que «la classe moyenne» soit largement étudiée dans la littérature académique, en arrêter une définition n’est pas chose aisée eu égard à la grande hétérogénéité des situations appréhendées.
Au Maroc, plusieurs contraintes rendent difficile la détermination de la classe moyenne. Celles-ci ont trait notamment à : l’approche purement statistique présidant à la définition de la classe moyenne, basée sur le revenu ou le niveau de consommation et adoptée dans le cadre des politiques publiques ; la non-actualisation, depuis 2009, des données statistiques ; la faiblesse du dispositif de suivi des salaires dans le secteur privé ; l’étendue du secteur informel et le manque de statistiques le concernant ; et enfin, l’absence d’un dispositif statistique sur les revenus non-salariaux.
Pour le Conseil, la caractérisation d’une classe moyenne ne saurait être un exercice purement statistique mais devrait être sous-tendue par un travail de repérage de segments sociaux qui, au regard de leur niveau et mode de vie, leur formation et leurs aspirations, sont les mieux disposés à jouer le rôle de pilier de la stabilité socio-politique et de moteur du développement économique, social et culturel de notre pays.
Partant de là, et tenant compte des spécificités économiques et sociales de notre pays, huit voies majeures ont été identifiées par l’étude afin d’élargir la classe moyenne au Maroc, mais également la consolider pour faire face aux éventuels chocs exogènes qui pourraient entrainer un déclassement social. Il s’agit de : (i) politiques budgétaires et fiscales pleinement redistributives ; (ii) l’éradication de la pauvreté et l’assistance aux populations les plus modestes et vulnérables ; (iii) l’autonomisation économique pour réduire la pauvreté chez les femmes dans les zones urbaines et rurales, ainsi qu’un accès plus grand des femmes au marché du travail ; (iv) l’amélioration de la qualité des services sociaux ; (v) le renforcement des compétences du capital humain ; (vi) l’organisation et le développement des corps des métiers de la fonction publique ; (vii) l’émergence d’une classe moyenne rurale ; (viii) le développement d’une infrastructure digitale inclusive.
Partant de ces orientations, l’étude du CESE a formulé une série de recommandations concrètes dont l’objectif est, d’une part, de mieux cerner la classe moyenne en traçant les contours d’une définition alternative et, d’autre part, de la préserver, la renforcer et l’élargir pour lui permettre de jouer pleinement son rôle, dans le développement de notre pays. Il convient de revenir, ci-après, sur les plus importantes :
- enrichir et moderniser le dispositif statistique national : (i) améliorer le suivi des salaires dans le secteur privé et celui des revenus non-salariaux au Maroc ; (ii) développer des indicateurs sur le pouvoir d’achat, les conditions de vie et le patrimoine des différentes couches sociales, dans différentes régions du Maroc et dans différents milieux de résidence ;
- renforcer le pouvoir d’achat de la classe moyenne par l’introduction d’une fiscalité des ménages, plus favorable, prenant en compte les personnes à charges et consolidée par des allocations familiales plus en phase avec la réalité socio-économique des familles, dont celle liée au financement de l’éducation des enfants ;
- mettre les femmes au centre des efforts de lutte contre la pauvreté et rompre avec les politiques et programmes souvent basés sur les notions de ménage et de l’homme chef de famille ;
- asseoir la régulation du système de soins, sur l’établissement d’une carte sanitaire globale fiable (nationale et régionale), intégrant les secteurs public et privé. Le rôle de l’État est, à cet égard, primordial en vue de garantir une cohérence d’ensemble à ce système et d’assurer un suivi rigoureux pour une offre de soins territorialement homogène (qualité et proximité) ;
- renforcer la formation qualifiante tout au long de la vie et mettre en place la reconnaissance des acquis de l’expérience et les passerelles correspondantes dans les systèmes éducatifs nationaux ;
- promouvoir et diversifier les activités économiques en milieu rural, hors agriculture. L’objectif est de favoriser l’émergence d’une véritable classe moyenne au sein des 50% de la population rurale dont les activités ne sont pas liées à l’agriculture ;
- envisager le développement des centres ruraux émergents comme un levier d’attractivité et d’aménagement des territoires, dans le sens d’aménager les conditions d’éclosion d’une classe moyenne rurale, et non pas comme une barrière contre l’exode rural ;
- considérer les nouvelles technologies comme une connaissance essentielle, les implémenter dans les curricula scolaire et universitaire et développer des filières digitalisées en combinant les parcours classiques avec les connaissances digitales dans les différentes disciplines : droit, économie, sciences humaines et sociales, ingénierie, marketing, comptabilité, etc.