Le présent avis du CESE, élaboré à la suite d’une saisine de la Chambre des conseillers, porte sur la recherche scientifique et l’innovation, leviers stratégiques de souveraineté et de compétitivité de l’économie nationale. Il met en exergue le potentiel important du pays dans ce domaine, pointe les fragilités qui obèrent le processus de transformation des projets de recherche en innovations concrètes, et émet des recommandations visant à inscrire l’innovation au cœur des priorités nationales et à renforcer les synergies entre chercheurs, innovateurs et acteurs économiques, au service du développement durable du pays. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale du CESE, lors de sa 167ème session ordinaire tenue le 20 février 2025.
Le présent avis du CESE, élaboré à la suite d’une saisine de la Chambre des conseillers, porte sur la recherche scientifique et l’innovation, leviers stratégiques de souveraineté et de compétitivité de l’économie nationale. Il met en exergue le potentiel important du pays dans ce domaine, pointe les fragilités qui obèrent le processus de transformation des projets de recherche en innovations concrètes, et émet des recommandations visant à inscrire l’innovation au cœur des priorités nationales et à renforcer les synergies entre chercheurs, innovateurs et acteurs économiques, au service du développement durable du pays. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale du CESE, lors de sa 167ème session ordinaire tenue le 20 février 2025.
Le Maroc a enregistré des avancées significatives dans la structuration de son système national de recherche et d’innovation, avec un réseau d’acteurs publics et privés de plus en plus diversifié, une progression du nombre de chercheurs et doctorants et une densification de la production scientifique indexée, qui demeure, néanmoins, bien en-deçà des standards internationaux.
Ces efforts se traduisent par des résultats et impacts palpables dès lors que les prérequis de convergence, de financement et de cadre partenarial adéquat sont valablement réunis, démontrant ainsi, la pleine capacité de notre pays à mettre la recherche au service d’une innovation porteuse de croissance et de développement. À titre d’illustration, dans le domaine de la santé, des médicaments stratégiques, notamment des antibiotiques innovants et des traitements génériques à coût réduit, ont été mis au point et commercialisés.
Dans le domaine des industries extractives, des procédés innovants ont été développés pour valoriser des gisements de ressources minérales considérés jusqu’alors comme non-exploitables. Des techniques de transformation des résidus miniers en produits commercialisables ont été également développées et brevetées, en particulier dans le stockage d’énergie par batteries lithium-ion. Cette dynamique concerne également d’autres secteurs émergents tels que les technologies de pointe, avec le développement de drones à usage civil et militaire.
En dépit des progrès réalisés, un ensemble de contraintes grèvent le développement d’un écosystème national pleinement opérationnel et en capacité de transformer la recherche en innovation et en création de richesse par une montée en gamme dans les chaines de valeur. Il s’agit notamment des facteurs suivants :
- Un financement structurellement faible de la recherche. La dépense intérieure brute en R&D se limite à 0,75 % du PIB (2016), loin de la moyenne mondiale (2,68 %) et européenne (2,24 %). De plus, le financement repose majoritairement sur des ressources publiques, la contribution du secteur privé n’excédant pas 30%.
- Une mise en œuvre inaboutie du dispositif institutionnel et juridique de la recherche et de l’innovation. Des dispositions-clés de la loi n° 01.00, telles que la possibilité pour les universités de créer des structures de valorisation sous forme de filiales, ne sont toujours pas opérationnalisées.
- Des mécanismes d’incitation à la recherche partenariale et à l’innovation entrepreneuriale peu développés. Le système national ne dispose pas, à ce jour, de dispositifs de cofinancement structurés et systématisés entre les universités et les entreprises, ni de mécanismes fiscaux incitatifs spécifiques. De surcroît, les dispositifs d’appui à l’innovation, en particulier ceux destinés aux startups et clusters, peinent encore à produire les résultats attendus, notamment en matière de valorisation technologique, d’innovation brevetée et de soutien à l’émergence d’entreprises innovantes.
- Une coordination encore insuffisante entre les acteurs publics, académiques et privés. Le Conseil national de la recherche scientifique, institué en 2021, ne joue pas encore pleinement le rôle de pilotage stratégique qui lui est dévolu, en raison de l’absence d’une stratégie nationale unifiée et d’une effectivité encore limitée du cadre juridique en vigueur.
- Des collaborations entre recherche et industrie encore ponctuelles et trop fragmentées. Bien que prometteuses dans certains secteurs stratégiques (pharmaceutique, digital, agroalimentaire, énergies renouvelables, drones), les initiatives demeurent isolées et partant insuffisantes pour structurer un écosystème national d’innovation performant et transformationnel.
Partant de ce constat partagé par les différentes parties prenantes, le CESE souligne l’urgence d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale de recherche scientifique, de développement et d’innovation coordonnée, intégrée et pleinement alignée sur les priorités du pays. Dans ce sens, le CESE a formulé un ensemble de recommandations, dont il est permis de citer :
- Accélérer la refonte en cours de la loi n°01.00 portant sur la réorganisation de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et adopter ses textes d’application afin de renforcer l’autonomie des universités aux plans administratif, financier, pédagogique et scientifique.
- Assurer un financement durable et renforcé de la recherche, avec une cible proposée de 3 % du PIB d’ici 2030, tout en exhortant le secteur privé à accroître ses investissements dans ce domaine.
- Etablir un cadre spécifique pour les chercheurs à temps plein, y compris les doctorants et les post-doctorants. Ce cadre devrait compléter le statut existant des enseignants-chercheurs, en définissant des mécanismes d’incitation à la recherche à temps plein et de rétribution au profit des chercheurs les plus productifs.
- Renforcer les capacités institutionnelles et opérationnelles du Conseil national de la recherche scientifique pour qu’il puisse valablement jouer son rôle de suivi de la stratégie nationale de recherche et d’innovation et de coordination entre les différentes parties prenantes intéressées, publiques et privées.
- Renforcer la valorisation de la recherche et de l’innovation entrepreneuriale en consolidant les missions dévolues aux universités en matière d’entrepreneuriat, de création de filiales et de partenariats avec les entreprises ; et en promouvant, en parallèle, le développement de structures autonomes de type consortium public-privé, à l’image de MAScIR, en mesure de transformer les résultats de la recherche en solutions innovantes commercialisables.
- Renforcer l’implication des régions dans le développement de la recherche scientifique appliquée, au-delà de la seule mise à disposition d’infrastructures, en soutenant la création de structures régionales de transfert technologique chargées de valoriser les résultats de la recherche, d’accompagner la protection de la propriété intellectuelle, de soutenir l’incubation de startups issues de la recherche et de favoriser, en collaboration avec le secteur privé, la maturation des projets innovants.