La présente auto-saisine du CESE a pour objectif principal de faire un état des lieux de l’économie du sport afin de proposer des pistes de transformation à même d’accroître la contribution du secteur du sport à la création de richesse et d’emploi, et d’en faire une locomotive économique et sociale pour notre pays. Pour identifier les facteurs qui permettraient cette évolution, une analyse a été menée sur la base d’un état des lieux détaillé pour, d’une part, identifier les intervenants, marchés et chaînes de valeur, et d’autre part, caractériser les difficultés et freins qui entravent le développement du secteur du sport au Maroc.
L’avis du Conseil Économique, Social et Environnemental intitulé ” l’économie du sport : un gisement de croissance et d’emplois à mettre en valeur “, intervient pour mettre en lumière un secteur reconnu comme un véritable vecteur économique, créateur de richesse et d’emploi. Avec une population particulièrement jeune, ce secteur pourrait contribuer au processus de développement socioéconomique du pays.
Cet avis a pour objectif d’analyser les différents segments de la chaîne de valeur en vue de proposer des pistes pour mieux organiser, structurer et professionnaliser ce secteur et en faire une industrie à part entière créatrice de richesse, comme stipulé par le nouveau modèle de développement.
En dépit de l’atout démographique que représente la jeunesse marocaine pour le développement de l’économie du sport, ce secteur continue de pâtir de plusieurs dysfonctionnements qui entrave sa transformation en un vecteur créateur de richesses et d’emplois.
Sur le plan de la gouvernance, le statut-type proposé par la loi 30.09 relative à l’éducation physique et aux sports ne convient pas aux différentes disciplines sportives, ce qui empêche la transformation des opérateurs du secteur du statut associatif à celui de sociétés privées empruntant des règles de gouvernance, de mobilisation des capitaux et de transparence. Cette configuration bride l’attractivité du secteur par rapport aux investisseurs privés potentiels limitant ainsi ses possibilités de financements au-delà des subventions de l’Etat.
Ce manque de professionnalisation du secteur constitue un obstacle devant les activités directement liées au sport en particulier le sponsoring, les droits médiatiques, les billetterie et merchandising et celles indirectement liées comme le textile, les équipements du sport, la restauration et l’hébergements.
Du côté de la demande, la population marocaine semble ne consacrer au sport que peu de son temps libre, comme en témoignent les données du HCP qui indiquent que le marocain âgé de 15 ans et plus ne dédie, en moyenne, à la pratique du sport que 2 minutes par jour. Cette situation pourrait être attribuable notamment au poids du sport dans notre système scolaire et universitaire, au niveau de performance de nos élites sportives, à la disponibilité des infrastructures sportives et de l’encadrement ainsi qu’à l’aménagement du temps de travail et d’éducation et formation.
Dans ces conditions, les fédérations n’arrivent pas à attirer un nombre suffisant d’adhérents, comme le démontre la faiblesse du nombre de licenciés au Maroc, se chiffrant à seulement 337 400 en 2016. En parallèle, l’inexistence d’un statut du sportif professionnel et de haut niveau rend le métier de sportif peu attractif et faiblement valorisé, sachant particulièrement que les carrières sportives sont courtes et que les reconversions des athlètes professionnels peuvent être difficiles si elles ne sont pas planifiées et organisées en avance.
Partant de ce diagnostic, le CESE propose de procéder à des transformations économiques et sociales structurelles pour faire du sport une industrie à part entière et ce en instaurant un cadre organisationnel adapté et en structurant et en professionnalisant l’activité sportive.
Dans ce sens, il est recommandé de mettre en œuvre un ensemble de mesures dont il est permis de citer, ci-après, les plus importantes :
- Procéder à une refonte de la loi 30.09 et du statut-type en particulier pour l’adapter à chaque discipline sportive. Cela nécessitera également l’amendement de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes pour faciliter le passage des associations sportives à des sociétés privées.
- Revoir le mode et le timing de répartition des subventions publiques, en vue de donner plus de visibilité aux fédérations particulièrement celles de petites tailles et d’instaurer des règles et critères d’octroi plus équitables.
- Conditionner toute contribution financière publique à la réalisation d’une infrastructure sportive, à l’élaboration d’études préalables définissant les objectifs de cette infrastructure, justifiant son dimensionnement, cernant ses coûts de construction, d’exploitation et de maintenance et précisant son mode de gestion.
- Veiller à la mise en place de modèles de gestion des terrains de proximité faisant appel à des contrats types PPP ou à la gestion déléguée. Les cahiers de charges devront inclure des indicateurs clairs et des clauses de renégociation au cas où l’ampleur des bénéfices devienne incompatible avec ce type d’activité.
- Libéraliser le marché des droits TV, tout en garantissant aux clubs une répartition équitable, selon la méritocratie, des recettes générées des droits de retransmission.
- Instaurer l’obligation de disposer d’informations sur les impacts économiques préalablement à l’organisation de tout évènement sportif, à travers le lancement d’études quantitatives en vue de différencier entre les événements à vocation sociale (subventionnés) et ceux à finalité économique (retour sur investissement).
- Revoir la stratégie de billetterie, afin de conquérir de nouveaux types de spectateurs, en travaillant sur des gammes d’options pour des clients potentiels tels que le placement numéroté qui permet de proposer plusieurs services à diverses catégories de personnes pour un même événement.
- Concevoir une stratégie de formation et d’accompagnement pour les métiers du sport, impliquant toutes les parties prenantes (fédérations, clubs, collectivités territoriales, OFPPT, ANAPEC, (.
- Détecter les talents dès le bas âge, en renforçant notamment les programmes de compétitions scolaires et universitaires et en reconcentrant les championnats des jeunes au sein des lycées.
- Promouvoir l’image de la femme marocaine dans le sport, en mettant en avant plus de championnes marocaines dans différentes disciplines sportives.
- Mettre au point un compte national satellite pour le secteur du sport, afin de pouvoir approfondir la compréhension du secteur et sa comparabilité avec d’autres pays et de quantifier, d’année en année, son impact sur l’économie nationale.
L’opérationnalisation effective de ces recommandations devrait relever progressivement la part du secteur du sport dans le PIB, estimée par le CESE selon les informations disponibles autour de 0,5% en 2020, pour atteindre un ratio de 3% sur un horizon de cinq ans. Elle permettra à terme de faire converger la vision d’un secteur essentiellement associatif où le sport est une activité de loisir et celle d’un secteur économique qui puisse attirer des investissements et capable de créer de la richesse et des emplois pérennes.