CESE

Auto-saisines

Mécanismes d’autorisation et de contrôle d’exploitation des ressources naturelles: Cas de l’eau et des carrières

Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, analyse les dispositifs législatifs et réglementaires régissant les mécanismes d’autorisation et de contrôle de l’exploitation des ressources en eau et des carrières. L’objectif en est d’apprécier l’effectivité de ces mécanismes à l’aune de leur capacité à assurer une utilisation des ressources qui soit à la fois durable, efficiente et équitable ainsi qu’en termes de lutte contre la surexploitation et l’exploitation illicite. Cet avis a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale du Conseil, tenue le 31 août 2023.

Synthèse

Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, analyse les dispositifs législatifs et réglementaires régissant les mécanismes d’autorisation et de contrôle de l’exploitation des ressources en eau et des carrières. L’objectif en est d’apprécier l’effectivité de ces mécanismes à l’aune de leur capacité à assurer une utilisation des ressources qui soit à la fois durable, efficiente et équitable ainsi qu’en termes de lutte contre la surexploitation et l’exploitation illicite. Cet avis a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale du Conseil, tenue le 31 août 2023.

De nombreux secteurs au Maroc dépendent encore fortement de ressources naturelles vitales ou stratégiques telles que l’eau et les carrières, qui subissent une dégradation croissante en raison de divers facteurs, notamment la surexploitation et l’exploitation illicite. Afin d’atténuer les répercussions néfastes de ces tendances, les pouvoirs publics ont instauré des procédures d’autorisation et de contrôle de l’exploitation pour réguler l’accès à ces ressources. Il demeure qu’en dépit de la mise en place de tels dispositifs, ces ressources naturelles continuent de subir des pressions accrues menaçant le développement durable et la sécurité humaine du pays.

Un ensemble de contraintes entravent une mise en œuvre optimisée des mécanismes susvisés :

Ressources en eau : 

  • La complexité et la lenteur de la procédure d’octroi des autorisations ou des concessions n’encouragent pas les préleveurs d’eau, en situation irrégulière, à se conformer à la réglementation ;
  • La multiplicité des intervenants chargés de l’octroi des autorisations, associée à des difficultés de coordination, engendre un système fragmenté qui entrave l’exploitation optimale des ressources en eau disponibles dans les zones d’intervention ;
  • Le caractère non-opposable des plans directeurs d’aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE). Bien que, dans leur grande majorité, les agences de bassins hydrauliques (ABH) aient approuvé, via leurs conseils d’administration respectifs, lesdits plans directeurs, ces documents ne revêtent pas le caractère d’opposabilité tant qu’ils n’ont pas été adoptés par décret et publiés au bulletin officiel ;
  • Le très faible recours aux contrats de nappes ou contrats de gestion participative, en tant qu’outils de rationalisation de l’utilisation du domaine public hydraulique (DPH) ;
  • L’impact encore très limité des interventions de la police de l’eau en matière de contrôle, largement attribuable à l’insuffisance de ses ressources humaines et à un manque de formation pour l’exercice de cette mission spécifique ;
  • Le très faible recours aux nouvelles technologies pour détecter et identifier les pratiques d’exploitation de l’eau sur le terrain.

Domaine des carrières :

  • La lenteur du rythme d’élaboration des schémas régionaux de gestion des carrières en raison, notamment, des contraintes liées à la gouvernance et à la coordination entre les acteurs au niveau territorial, entravant la mise en œuvre effective de la loi N°27-13 relative aux carrières ;
  • L’insuffisance patente des moyens humains et matériels dédiés à la surveillance et au contrôle réguliers des carrières ;
  • La prévalence du secteur informel qui se manifeste soit par des carrières non-déclarées ou des carrières autorisées mais pratiquant la fraude et la sous-déclaration, induisant ainsi une concurrence déloyale, un manque à gagner sur le plan fiscal, ainsi que des risques d’exploitation effrénée de certains types de carrières ;
  • La lenteur de la procédure d’ouverture des carrières de travaux publics ayant un caractère provisoire est exacerbée par la multiplicité des intervenants. Cette situation peut porter préjudice aux investisseurs et nuire à l’exécution des chantiers, ainsi qu’à l’efficacité des entreprises dans le secteur des BTP ;
  • La faible réhabilitation des carrières par la plupart des exploitants, qui se contentent souvent d’abandonner les sites au terme de leur exploitation, sans effectuer de réaménagement ou en réalisant un réaménagement non-conforme ;
  • La non-conformité des conditions de travail, dans certaines carrières, aux dispositions du code du travail et aux principes de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).

Partant de ce diagnostic, le CESE préconise de consolider le dispositif actuel, tout en garantissant la pleine mise en œuvre du cadre juridique régissant les mécanismes d’autorisation et de contrôle de l’exploitation. La finalité poursuivie est de renforcer la capacité du pays à assurer la durabilité de ses ressources naturelles et à renforcer sa résilience face aux crises futures.

Dans cette optique, le CESE propose un ensemble de recommandations dont il est permis de citer :

  • Assurer l’effectivité des textes législatifs et réglementaires en vigueur, en veillant à une mise en œuvre effective des mécanismes d’autorisation et de contrôle dans les domaines de l’eau et des carrières, à la simplification des procédures et au respect des délais réglementaires d’octroi des autorisations, ainsi qu’à la régularisation de la situation des exploitants illégaux ;
  • Renforcer le cadre juridique régissant les mécanismes d’autorisation et de contrôle, en conférant le caractère d’opposabilité aux PDAIRE, en accélérant l’élaboration des schémas régionaux de gestion des carrières et en adoptant les textes d’application nécessaires pour la mise en œuvre de la loi 49-17, en ce qui concerne spécifiquement l’évaluation environnementale stratégique des plans, programmes et projets nationaux et régionaux d’exploitation de l’eau et des carrières ;
  • Améliorer la gouvernance dans les secteurs de l’eau et des carrières au regard de son impact sur l’effectivité et l’efficacité des mécanismes d’autorisation et de contrôle. Il conviendrait, à ce titre, de :
  • renforcer les moyens et les capacités des intervenants en matière de contrôle ;
  • mettre en place un mécanisme inter-institutionnel pour arbitrer les usages des ressources en eau disponibles en situation de crise ;
  • développer les compétences et les capacités de l’ensemble des intervenants impliqués dans les procédures judiciaires, tout en instituant des chambres spécialisées, au sein des tribunaux compétents, pour examiner les affaires liées à l’environnement, notamment celles liées à l’exploitation de l’eau et des carrières ;
  • améliorer le recouvrement des redevances liées à l’exploitation de l’eau soumise au régime d’autorisation et de concession et renforcer l’efficience économique et fiscale de l’exploitation des carrières ;
  • mettre en place un système d’information national intégré et régulièrement mis à jour, dédié aux domaines de l’eau et des carrières.

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