L’année 2022 s'est avérée particulièrement difficile pour la plupart des économies développées et émergentes, en raison de la conjonction de multiples chocs majeurs. L'économie mondiale a ainsi connu une baisse généralisée de sa croissance, passant de 6,3% à 3,4%. L'inflation s’est pour sa part fortement renchérie, passant de 4,7% en 2021 à 8,7% en 2022, en raison notamment des répercussions de la guerre russo-ukrainienne sur les prix des matières premières et des produits alimentaires. Parallèlement, les politiques monétaires restrictives engagées par les banques centrales ont entraîné un durcissement des conditions de financement à l'échelle internationale. En outre, les perspectives mondiales demeurent assombries par de fortes incertitudes, avec des prévisions indiquant une poursuite du ralentissement économique en 2023 avec une inflation vraisemblablement à la baisse, mais maintenue, toutefois, à des niveaux plus élevés que ceux observés avant la crise.
A l’instar de nombreux pays, l’économie marocaine n’a pas été épargnée par le spectre d’un ralentissement quasi-généralisé, se traduisant par une décélération de la croissance de 8% en 2021 à 1,3% en 2022, confirmant ainsi le caractère temporaire du rebond qu’a connu l’économie nationale en 2021. Cet état de fait peut être attribué à l'interaction de plusieurs chocs, en relation avec la propagation des perturbations à l'échelle internationale et interne, tels que les impacts d’une sécheresse persistante et sévère (baisse de 12,9% de la valeur ajoutée agricole), couplés aux séquelles de la crise de la Covid-19 sur le tissu entrepreneurial et sur la demande intérieure de manière générale.
Le climat économique très peu favorable en 2022 a entraîné des répercussions négatives sur divers agrégats et indicateurs économiques. Une détérioration du déficit commercial a été constatée, avec une poussée inflationniste (de 1,4 % à 6,6 %), induite notamment par une hausse généralisée des prix des produits alimentaires qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables. Par ailleurs, et malgré une très légère baisse du taux de chômage de 12,3% en 2021 à 11,8% en 2022, une perte nette de 24 000 emplois a été enregistrée au cours de l'année.
En dépit de ce contexte contraignant et la succession des chocs consécutifs à la pandémie Covid-19, il convient de souligner que l'économie nationale continue de faire preuve d’une certaine résilience.
Ainsi, au cours de l'année 2022, certains secteurs ont enregistré des évolutions prometteuses. Le secteur du tourisme s'est notamment distingué par une reprise remarquable des recettes voyages (+166%), dépassant ainsi les niveaux pré-crise. De même, les transferts des MRE ont connu une dynamique soutenue, affichant une croissance de +16,5%. Parallèlement, les flux nets d'investissements directs étrangers se sont maintenus à un ratio avoisinant les 3% du PIB.
Nonobstant la résilience globale de l'économie nationale et les progrès réalisés dans des secteurs tels que le tourisme, la subsistance de certains facteurs structurels continue de peser sur les performances économiques. En témoigne notamment :
- Le ralentissement quasi-continu de la productivité du travail depuis la crise de 2008.
- La faiblesse patente de l’efficience de l’investissement reflétée par l’indice ICOR qui s’établit à un niveau élevé supérieur à 9 en moyenne sur les 15 dernières années.
- La baisse tendancielle de l’intensité de la croissance en emploi, particulièrement en emploi des femmes et des jeunes.
- La volatilité persistante de la croissance de la valeur ajoutée agricole malgré les efforts déployés dans le cadre des stratégies agricoles successives.
Il convient de souligner également que les derniers mois de l'année 2022 ont été marqués par une accélération soutenue du rythme des réformes, visant spécifiquement à améliorer l'environnement institutionnel et réglementaire, notamment l’adoption de la nouvelle charte d’investissement et la tenue du premier conseil d’administration du Fonds Mohammed VI pour l’investissement marquant l'amorce de son opérationnalisation.
En ce qui concerne le volet social, et après l'écoulement de plus de deux années depuis le déclenchement de la crise sanitaire, les ménages marocains ont continué d’en subir les impacts, amplifiés par l'inflation, avec à la clé une dégradation de leur pouvoir d’achat et de leur niveau de vie. Dans de telles circonstances, environ 3,2 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté (1,15 millions) ou dans la vulnérabilité (2,05 millions), ce qui tend à ramener notre pays à la situation qui prévalait en 2014.
Face à cette conjoncture, les pouvoirs publics ont redoublé d'efforts tout au long de l'année 2022, en particulier en accélérant la généralisation de l’AMO dans le cadre de la réforme globale de la protection sociale, et en poursuivant la refonte du système de santé national. Parallèlement, des actions significatives ont été entreprises dans le cadre de la réforme du système d’éducation et de formation, à travers notamment, le lancement de la feuille de route 2022-2026 et l'élaboration du plan national d'accélération de la transformation de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation à l'horizon 2030.
S’agissant de la situation sociale des femmes, peu de changements significatifs ont ponctué l’année 2022, notamment en ce qui concerne leur participation économique, ce qui maintient le pays à des rangs inférieurs dans le classement mondial des écarts entre les genres. Outre la sous-évaluation persistante du potentiel féminin sur le marché du travail, de multiples discriminations subsistent auxquelles il serait important de remédier en procédant à la révision du Code de la famille. Que ce soit en matière de tutelle des enfants, de mariage des mineures, de gestion des biens acquis pendant l'union conjugale ou de délais des procédures de divorce, certaines dispositions nécessiteraient d'être revues et fondées sur le principe d'équilibre, en accord avec les Hautes Directives Royales énoncées lors du Discours à l'occasion de la Fête du Trône en 2022.
En matière de dialogue social, l’année 2022 a été marquée par la signature de la charte nationale du dialogue social, résultant de l’accord social conclu le 30 avril 2022 entre le gouvernement et les partenaires économiques et sociaux les plus représentatifs. Les dispositions de cette charte représentent un jalon important dans la définition de ce cadre de référence, permettant ainsi aux différentes parties prenantes de suivre l'état d'avancement de la mise en œuvre sur le terrain des accords conclus au niveau sectoriel et de mesurer l'évolution du climat social national.
Sur le plan environnemental, l’année 2022 a connu la tenue en Égypte de la 27ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27). Cette conférence a planté un jalon historique dans les efforts internationaux de lutte contre le changement climatique avec l'adoption du "plan de mise en œuvre de Charm El-Cheikh", scellant ainsi un accord visant à créer un fonds spécifique pour les pertes et dommages en faveur des pays démunis et sévèrement touchés par le changement climatique. Par ailleurs, au cours de sa participation, le Maroc a conclu plusieurs accords et partenariats stratégiques dans des secteurs-clés tels que la gestion de l’eau, la préservation de l’environnement, l’électricité durable, etc.
En matière de changements climatiques, l’année 2022 a été marquée par une série d'événements climatiques extrêmes, notamment des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations, dont les bilans humains et économiques ont été critiques au niveau de la sécurité alimentaire, sanitaire et des infrastructures.
Pour sa part, le Maroc a fait face à des défis considérables, avec une année agricole marquée par une sécheresse sans précédent, une augmentation exceptionnelle des températures et un déficit pluviométrique de 27% par rapport à 2021.
A cet effet, le gouvernement a pris un ensemble de mesures pour atténuer l’impact de ces événements, notamment en matière de renforcement de l’offre en eaux à travers l’accélération de la réalisation du projet de l’interconnexion entre les bassins hydrauliques de Sebou et Bouregreg et le développement des stations de dessalement de l’eau de mer.
Il est à noter que malgré cette conjoncture défavorable, le Maroc s’est hissé à la 7ème position mondiale dans l’indice de performance climatique en 2022. Ce classement très honorable est largement attribuable à l’impulsion soutenue du Royaume dans le développement des énergies renouvelables et à ses faibles émissions en gaz à effet de serre, ainsi qu’à son implication dans l’effort mondial de lutte contre les changements climatiques, se manifestant à travers plusieurs stratégies volontaristes et renouvelées, notamment la stratégie bas carbone 2050 et la contribution nationale déterminée actualisée en 2021.
S’agissant de la transition énergétique, le Maroc a été classé en tête de l’indice des énergies renouvelables normalisé, indexé pour la première fois sur le PIB. Ce classement témoigne de l’effort déployé par le pays pour améliorer le cadre réglementaire régissant le secteur des énergies renouvelables et pour accroitre son attractivité auprès des investisseurs.
Par ailleurs, le Royaume a été identifié comme l’un des quatre pôles majeurs possédant un fort potentiel en matière d’hydrogène vert en Afrique, grâce à sa position géographique et aux interconnexions existantes ou en cours de développement avec l’Europe. Ce potentiel est renforcé par les avancées du pays dans la réalisation de projets d’énergies renouvelables ainsi que par son développement de stations de dessalement de l’eau de mer.
Ainsi, compte tenu de l’intérêt pour l’hydrogène vert, désormais manifesté par de nombreux pays, le Maroc peut tirer parti de cette opportunité en accélérant les partenariats entre l’Europe et l’Afrique pour se positionner en acteur majeur et incontournable sur le marché régional et international. A cet effet, le Maroc se doit de relever plusieurs défis, à savoir la disponibilité limitée des ressources hydriques nécessaires à la production de l’hydrogène vert, la faible maturité des technologies de la chaine de valeur y afférente, le besoin d’accélérer les investissements en matière d’énergies renouvelables ainsi que la cadence de déploiement des projets à l’échelle régionale et internationale, susceptible de conditionner l’évolution des coûts de la production de cette ressource.
A la lumière de l’analyse de la situation économique, sociale et environnementale en 2022, au Maroc, un certain nombre de points de vigilance peuvent être mis en avant.
Le premier point de vigilance met en évidence l'impérieuse nécessité de promouvoir la qualité et l'efficacité de l'investissement, afin de propulser l'économie vers un palier de croissance plus élevé. Ce point découle du constat relatif à la faiblesse du rendement de l’investissement en termes de croissance et d’emploi au Maroc.
Le CESE s'est ainsi penché sur les facteurs structurels et de gouvernance qui pourraient expliquer cette situation sous-optimale, en soulignant également les efforts récents déployés pour accélérer la mise en place de dispositifs visant à promouvoir l'investissement privé, notamment la nouvelle charte de l'investissement et le Fonds Mohammed VI pour l'investissement. Cependant, il y a lieu de relever certains points-clés nécessitant une attention renforcée de la part des pouvoirs publics afin de maximiser les chances de succès de cette réforme. Une évaluation rigoureuse des dispositifs mis en œuvre exigera du temps, car elle ne pourra être effectuée qu'après avoir franchi la première étape d'implémentation.
Ainsi, et sur la base des constats relevés et analyses effectuées, le CESE recommande dans un premier temps ce qui suit :
- Garantir un suivi rigoureux de la mise en œuvre des actions prévues, jusqu'au niveau territorial le plus fin, en effectuant des études d'impact basées sur des critères objectifs, par une entité indépendante, afin de pouvoir apporter les ajustements nécessaires en temps opportun.
- Assurer une cohérence et une synergie entre les objectifs et dispositifs de la charte et ceux du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, y compris entre les critères de définition des secteurs et les projets éligibles.
- Impliquer davantage les représentants des TPME et entrepreneurs individuels dans la formulation et la mise à jour des politiques et mécanismes de promotion de l’investissement et prévoir des mécanismes d’appui dédiés au niveau de la charte et du Fonds Mohammed VI pour l’incitation à la structuration et organisation des unités informelles.
- Envisager de réviser le décret d’application de la charte de l’investissement en y intégrant une prime favorisant le recrutement d'un quota de jeunes talents, similaire à la prime prévue pour encourager l'emploi féminin.
- Doter les centres régionaux d’investissement (CRI) de ressources humaines, logistiques et financières suffisantes pour leur permettre d’accomplir efficacement leur rôle.
- Réduire davantage les coûts de l'investissement et de la production dans les secteurs ciblés en améliorant l’accès aux facteurs de production (coût de l’énergie, foncier adapté aux petits investisseurs, formation du capital humain qualifié, etc.).
- Œuvrer pour une application effective et rigoureuse des règles de la concurrence et accélérer le processus de généralisation de la digitalisation des procédures dans une optique de transparence et de lutte contre la corruption.
Le deuxième point de vigilance porte sur la nécessité d'adapter de manière impérative les mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat, face à une inflation persistante et multifactorielle. À partir du dernier trimestre de l'année 2021, le Maroc a été témoin d'une escalade quasi-ininterrompue des prix à la consommation, avec des taux d'inflation exceptionnels culminant à plus de 10% en février 2023, succédant à une moyenne de 6,6% en 2022. Cette tendance haussière des prix, en particulier ceux des produits alimentaires, pèse davantage sur les revenus modestes, étant donné le poids plus élevé de ces produits dans leur panier de consommation.
Pour la classe moyenne, l'inflation devient encore moins tolérable dans la mesure où cette catégorie de ménages dispose de faibles marges de manœuvre pour résister à des chocs inflationnistes importants. Ceci est d'autant plus vrai qu'ils recourent souvent à des services sociaux de base, tels que l'éducation et la santé, proposés par le secteur privé à des tarifs plus élevés, face à une qualité des services publics encore en-deçà de leurs besoins et aspirations.
Au total, l’inflation observée demeure dominée par des facteurs liés à l’offre et aux coûts de production dans certains secteurs. Toutefois, elle est aussi influencée par des comportements potentiellement moins concurrentiels et des distorsions observées au sein des circuits de commercialisation. Il convient également de ne pas exclure la possibilité d’apparition et de développement d'un phénomène d'inflation alimentée par l'augmentation des marges de certains producteurs, dénommé "greedflation".
Tout en soulignant l'indisponibilité des données requises pour l'exercice 2022, une analyse agrégée préliminaire de ce phénomène de « greedflation » a été approchée dans un premier temps pour l’année 2021. Il en ressort qu’outre le renchérissement des coûts des intrants, qui explique en grande partie la montée des prix, l'essor des profits bruts unitaires a également apporté une contribution significative. En revanche, la part du coût unitaire du travail s'est révélée majoritairement négative, suggérant l'absence d'une inflation tirée par les salaires.
Certes, cette méthode d’évaluation de l’inflation à travers les profits présente certaines limites et contraintes liées notamment à la disponibilité de données détaillées. Néanmoins, cet exercice permet d’avoir une idée préliminaire sur la situation et de sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité de redoubler d’effort en matière de suivi des prix et marges excessives à un niveau de détail plus fin.
Tout en tenant compte des mesures prises par les pouvoirs publics, le CESE préconise, à la lumière du diagnostic établi ainsi que des auditions et consultations citoyennes réalisées, des mesures supplémentaires à court terme visant à renforcer les dispositifs déjà mis en place. Il s’agirait, notamment, de:
- Renforcer le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, en imposant des sanctions suffisamment dissuasives en cas d’infraction, ainsi que des mesures à même d’atténuer l’accumulation de marges excessives.
- Étudier la faisabilité d’instaurer, de manière provisoire, un contrôle de prix pour certains produits de première nécessité qui ont subi une hausse significative ou qui revêtent une importance capitale en tant qu’intrants communs au reste des produits. Les articles 4 et 5 de la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence offrent une ouverture propice à la mise en œuvre d’un tel mécanisme.
- Subventionner, pour lutter contre l’inflation des produits alimentaires, les intrants agricoles en particulier (les semences, les produits phytosanitaires, les aliments de bétail, etc.).
- Accélérer la réforme des marchés de gros en adoptant un dispositif ouvert à la concurrence et conditionné par le respect d’un cahier de charges tout en facilitant l’accès logistique à ces marchés pour les petits agriculteurs et coopératives.
- Accélérer la publication des textes d’application de la loi 37-21 qui ouvre la possibilité de la commercialisation directe des produits agricoles issus des projets d’agrégation, sans passer par les marchés de gros.
- Développer un système d'information dédié afin de garantir, autant que faire se peut, une totale transparence des marchés par rapport aux quantités échangées, mais également en matière de prix et de marges pratiquées.
- Accorder des aides directes aux ménages défavorisés pour atténuer l’impact sur leur pouvoir d’achat.
- Etudier la faisabilité d’une réduction exceptionnelle des taux de TVA, ciblant spécifiquement les produits de première nécessité pesant davantage dans le panier des ménages défavorisés et de la tranche inférieure de la classe moyenne.
Le troisième point de vigilance porte sur la problématique de la pénurie des professionnels de la santé au Maroc.
La densité médicale et paramédicale au Maroc en 2022 est d'environ 1,7 pour 1 000 habitants. Au vu des estimations de l'évolution démographique, une accentuation du déficit en personnel de santé est anticipée. La couverture recommandée par l'OMS, soit 4,45 agents de santé pour 1 000 habitants, devient de plus en plus inatteignable, en raison des défis de la formation et de la rétention du personnel qualifié au sein du système de santé publique. D’après une enquête de la Fondation des enseignants médecins libéraux (FEML) publiée en 2023, le Maroc perd chaque année entre 600 à 700 praticiens, soit 30% des médecins formés actuellement. Cet exode touche toutes les catégories, notamment les médecins spécialistes, les professeurs et même les étudiants en médecine.
Conscient du caractère pressant du besoin en professionnels de santé, les pouvoirs publics ont procédé à une réduction de la durée de la formation en médecine de 7 à 6 ans. Cette mesure demeure, néanmoins, insuffisante au regard de l’ampleur de déficit constaté.
Partant de ce diagnostic, Une réflexion profonde sur la gouvernance du système de santé s'avère indispensable afin de surmonter les défaillances structurelles actuelles. C’est ainsi que le CESE préconise la mise en place d’un ensemble de mesures proactives et innovantes, spécialement adaptées au contexte marocain, pour relever ces défaillances et favoriser la rétention et la valorisation des professionnels de santé. Parmi ces recommandations, il est permis de citer :
- Renforcer les opportunités de rotation et de mobilité des professionnels de santé dans les territoires sous-dotés, afin de favoriser leur engagement dans l'intérêt général.
- Instaurer un système d'augmentation progressive et systématique des salaires des professionnels de santé, combinée à une rémunération axée sur la performance pour optimiser leur maintien au Maroc.
- Renforcer les capacités et compétences des professionnels déjà en exercice, à travers la création de passerelles entre les métiers pour offrir des possibilités d'évolution professionnelle.
- Elargir le système d'équivalence entre les diplômes d'État et les certificats délivrés par les écoles privées, en particulier pour les infirmiers, tout en garantissant la qualité des certificats obtenus par un suivi et un contrôle rigoureux.
Le quatrième point de vigilance se rapporte à l’autonomisation économique des femmes marocaines. Cette question demeure parmi les points qui requièrent une vigilance accrue, étant donné que leur taux d’activité est caractérisé par une baisse structurelle depuis plusieurs années et s’est situé à 19,8% en 2022 contre 22% en 2019.
Il convient de souligner que le Conseil, dans ces nombreux travaux consacrés à cette problématique, s’est penché sur les différents facteurs explicatifs qui y sont associés. Il préconise un certain nombre de mesures à même d’assurer une intégration active des femmes sur le marché du travail :
- Engager une réflexion visant à valoriser le travail domestique des femmes au foyer en vue de renforcer leur autonomie économique, en envisageant des mesures telles qu'un revenu minimal ou des sources de financement adaptées à leur situation.
- Veiller à ce que la révision du code de la famille préserve les droits économiques des femmes et les protège contre toutes discriminations.
- Alléger les responsabilités pesant sur les femmes en termes de charges familiales, notamment en garantissant la disponibilité de services de garde de qualité pour les enfants en bas-âge dans les administrations et les entreprises.
- Réduire les écarts de salaires hommes-femmes dans le secteur privé et lutter contre les pratiques discriminatoires de promotion de carrière.
- Renforcer la qualité des transports publics dans le but de sécuriser le trajet des femmes vers leur lieu du travail.
- Faciliter l’accès des femmes au financement de leurs activités et à leur accès au foncier, notamment à travers la révision de certaines dispositions discriminatoires figurant dans le décret d’application de la loi 62-17 relative à la tutelle administrative sur les communautés soulaliyates et la gestion de leurs biens.
- Promouvoir et valoriser l’entrepreneuriat des femmes au Maroc.
Le cinquième point de vigilance du présent rapport s’est penché sur la question du dessalement de l’eau de mer, désormais considéré comme l’une des solutions prometteuses pour mobiliser d’importants volumes d'eaux non-conventionnelles, indispensables à la sécurité hydrique et alimentaire du pays. Dans ce sens, le CESE préconise d’inscrire le dessalement dans une vision nationale concertée afin de parvenir à un mix hydrique résilient face aux mutations climatiques, capable de valoriser et de mobiliser de manière responsable et durable les ressources hydriques conventionnelles et non-conventionnelles pour satisfaire la demande en eau potable des ménages ainsi que les besoins spécifiques des secteurs productifs et des territoires. Par ailleurs, pour neutraliser les impacts délétères potentiels du dessalement, notamment sur les écosystèmes marins dans leur diversité, il convient de veiller à ce que les stations de dessalement soient munies de dispositifs de contrôle, de surveillance, de veille et de suivi continu.
Dans le cadre du présent rapport, le CESE a jugé opportun de consacrer le focus de cette année à la gestion du stress hydrique, notamment au vu de la sécheresse sévère que le pays a endurée ces dernières quatre années, culminant en 2022. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité de la sécheresse, dans le contexte du changement climatique, s’est traduite par un sévère déficit hydrique touchant tous les usages (agricole, industriel, touristique, domestique, etc.), avec des répercussions majeures à la fois sur l’économie, les écosystèmes, la sécurité humaine (surtout hydrique, alimentaire et sanitaire) et les moyens de subsistance pour une grande part de la population.
La criticité de la situation du stress hydrique interpelle toutes les composantes de la société (citoyens, usagers, décideurs, entrepreneurs, agriculteurs, etc.) et convoque de ce fait, une rupture majeure dans nos habitudes de consommation ainsi que des inflexions dans les choix politiques.
Jadis perçue comme un risque conjoncturel, la sécheresse est dorénavant une donne structurelle, exacerbant le stress hydrique qui assaille le pays. Pour répondre à cet enjeu, une intervention urgente visant à atténuer ses effets immédiats, notamment sur les populations, secteurs et territoires vulnérables, se révèle vitale.
Il convient de rappeler que les pouvoirs publics ont fait preuve de réactivité en déployant un ensemble de mesures de portées conjoncturelle et structurelle afin d’atténuer les effets immédiats de la sécheresse et faire face au stress hydrique à moyen et long termes.
Toutefois, le traitement optimal du stress hydrique – qui est également exacerbé par d’autres facteurs tels que l’augmentation de la demande en eau, les pertes et les pollutions – nécessite de mettre en place des mesures stratégiques s’inscrivant dans la perspective d’une gouvernance efficace de l’eau, en pleine convergence avec la réforme d’autres secteurs, notamment le secteur agricole.
En s’appuyant sur un diagnostic partagé, le CESE formule un ensemble de recommandations visant à orienter les actions et les réformes futures en vue de garantir la sécurité hydrique durable du pays et de renforcer sa résilience face aux risques futurs engendrés par le changement climatique, notamment le phénomène de la sécheresse. L'ambition ultime est d'assurer la durabilité de la sécurité hydrique du pays et de renforcer sa résilience face à un éventail de risques futurs (climatiques, hydriques, alimentaires, etc.).
Parmi ces recommandations, il est permis de citer :
- Développer un plan national de sécheresse, sur la base d’un système d’alerte précoce, compilant des données agrométéorologiques et hydrologiques en temps réel, pour ensuite définir, pour chaque niveau d'alerte, les mesures à prendre, ainsi que les entités responsables de leur mise en œuvre. Il convient de décliner ces mesures au niveau territorial en prévoyant une batterie de mesures adaptées concernant l’offre en eau et l’efficacité hydrique.
- Mettre en place un mécanisme institutionnel d'arbitrage et de coordination en période de sécheresse, basé sur une large concertation multi-acteurs aux niveaux central et territorial, visant à opérer un arbitrage inclusif et équitable entre les divers usages de l'eau tout en garantissant la préservation du patrimoine agricole, la sécurité alimentaire et hydrique, ainsi que le maintien de l'emploi.
- Envisager la création d’un organe indépendant, qui serait chargé, dans une logique de gestion intégrée des ressources hydriques, de l’allocation optimisée de ce bien national et de la mise en place d’une politique tarifaire des ressources hydriques, sur la base des orientations du conseil supérieur de l’eau et du climat (CSEC).
- Accélérer le programme de mobilisation des eaux non-conventionnelles et particulier par: (i) le renforcement des capacités des collectivités territoriales en matière de collecte et de traitement des eaux usées et la diversification des utilisations des eaux traitées dans les domaines agricole et industriel et éventuellement dans la recharge des nappes souterraines ; et (ii) la promotion de l’investissement dans la collecte et l’utilisation des eaux de pluie.
- Repenser le modèle agricole en relation avec l'exploitation et la gestion de l'eau en redéfinissant les activités et les spécialités agricoles pour permettre à chaque région de se spécialiser dans des pratiques et cultures durables sur le plan hydrique. Il convient pour cela de soutenir la mise en place de filières agricoles résilientes face aux risques climatiques, ayant une empreinte hydrique minimale et favorisant une productivité optimisée de l'eau.
- Renforcer les actions de sensibilisation des usagers de l’eau (citoyens, agriculteurs, industriels, gestionnaires, etc.) sur la rationalisation des utilisations et l’économie d’eau.
Pour ce qui est de la dernière partie du rapport, consacrée aux activités du Conseil économique, social et environnemental en 2022, le bilan dressé met en avant les réalisations suivantes :
Le CESE a réalisé deux études à la suite d’une saisine émanant :
- du chef du gouvernement intitulée : « la santé mentale et les causes de suicide au Maroc».
- de la Chambre des conseillers, intitulée : « étude sur l’évaluation des programmes publics destinés aux jeunes durant le mandat gouvernemental 2016-2021».
Outre le rapport annuel au titre de l’année 2021, le CESE a produit 8 avis dans le cadre des auto-saisines. Les auto-saisines ont couvert un éventail de thématiques, à savoir :
- « Renforcer le lien intergénérationnel entre les Marocains du Monde et le Maroc, les chances et les défis ».
- « L’économie des sports : un gisement de croissance et d’emplois à mettre en valeur ».
- « La Valorisation du capital humain en milieu professionnel ».
- « Intégration des principes de l’économie circulaire aux traitements des déchets ménagers et des eaux usées ».
- « Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ? ».
- « Ecosystèmes forestiers du Maroc : menaces, défis et opportunités ».
- « Promouvoir le transfert de compétences en milieu professionnel ».
- « Les fake news, de la désinformation à l’accès à une information avérée et disponible».
- Par ailleurs, le CESE s’est penché, au titre de l’année 2022, sur l’enrichissement et le renforcement de sa démarche participative par la mise en place d’un nouveau dispositif de participation citoyenne. Il s’agit d’une plateforme numérique interactive dédiée à la participation citoyenne, nommée "ouchariko", permettant aux citoyens, résidant au Maroc ou à l'étranger, d’exprimer leurs points de vue et de proposer des solutions relatives aux thématiques examinées par le Conseil.
En effet, depuis son lancement en janvier 2022, la plateforme numérique de participation citoyenne "ouchariko" a permis de mener 21 consultations auprès des citoyens résidents au Maroc ainsi qu’à l'étranger. Les résultats de ces consultations, reflétant les tendances, opinions et recommandations exprimées, ont été consciencieusement intégrés dans les avis émis par le Conseil.
La plateforme "ouchariko" permet notamment de :
- Elargir considérablement le champ d’écoute et de consultation, au cœur de la mission du Conseil en tant qu'institution consultative constitutionnelle.
- Offrir aux citoyens la possibilité de s'exprimer sur une diversité de sujets allant de leurs besoins quotidiens aux enjeux stratégiques de développement, en exprimant leurs opinions, suggestions, besoins et attentes.
- Disposer des données exclusives recueillies directement auprès des citoyens, renforçant ainsi la crédibilité du CESE et favorisant une prise en compte plus effective des préoccupations des citoyennes et citoyens dans ses travaux.
Il convient de souligner que de nombreuses propositions émanant des citoyens ont été actées dans le plan d'action annuel du Conseil au titre de l'année 2023, portant notamment sur des sujets tels que la mendicité, la sécurité alimentaire et le stress hydrique.
Dans le cadre de son plan d’action au titre de l’année 2023, le Conseil traitera, en plus du rapport annuel, des thématiques telles que les «minerais stratégiques et critiques», les «urgences médicales», les «jeunes NEET», «la mendicité», «la réforme des systèmes d’agrément d’exploitation des ressources naturelles », le «développement harmonieux des territoires», les « nouvelles formes de participation citoyenne», «la circularité des déchets industriels», «l’industrie du cloud» et le «rôle et les capacités des acteurs territoriaux face aux problématiques de gestion des crises et de catastrophes naturelles » .