Le CESE appelle à l’élaboration des politiques et programmes publics concertés de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux et des risques psychosociaux

Le Maroc célèbre, à l’instar des autres pays, la journée internationale de la santé mentale. A cet effet, le Conseil Économique Social et Environnemental présente son étude sur la question de la santé mentale au niveau national, incluant un volet sur le suicide et les moyens de le prévenir.

Réalisée dans le cadre d’une saisine émanant du Chef du Gouvernement, cette étude vise à identifier les principaux problèmes et dysfonctionnements à traiter en matière de politique de santé mentale, de prise en charge des troubles mentaux et de prévention du suicide.

Il importe de rappeler  les résultats de l’enquête nationale relative aux troubles mentaux révélant que 48,9% de la population marocaine enquêtée, âgée de 15 ans et plus, présentent ou ont déjà présenté des signes de troubles mentaux.

Cependant, force est de constater la pénurie en ressources humaines dont fait face ce secteur. En effet, le Maroc ne dispose que de 2431 lits réservés aux maladies mentales et de seulement 454 psychiatres ; Ce qui témoigne du sous-investissement de l’État dans le domaine de la santé mentale. À ce niveau, il convient de préciser que, selon les données de l’OMS au titre de l’année 2021, les budgets de santé nationaux ne consacrent en moyenne que 2% à la santé mentale.

A ce titre, l’étude du CESE souligne que la question de la santé mentale est encore abordée de manière sectorielle, sous le prisme de la maladie mentale, occultant, ainsi, le rôle prédominant des déterminants socioculturels de la santé. Ces déterminants ont trait à la violence familiale et sociale, les discriminations à l’égard des femmes, les conditions de travail en milieu professionnel, les moyens de protection des enfants, des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ainsi que la persistance de normes sociales préjudiciables et de stigmatisation de la maladie mentale.

En outre, plusieurs insuffisances ont été constatées au niveau du cadre légal et de l’expertise judiciaire psychiatrique et psychologique. A cela s’ajoute les difficultés liées à l’internement judiciaire en établissement psychiatrique, à titre préventif ou pénal, pour les personnes présentant des troubles mentaux. Ces difficultés sont aggravées par les insuffisances en matière de capacité litière et d’infrastructures dédiées.

Face à ces contraintes et pour lever les principaux dysfonctionnements en matière de politique de santé mentale, de prise en charge des troubles mentaux et de prévention du suicide, le CESE préconise une série de recommandations, dont les mesures suivantes :

  • Élaborer des politiques et programmes publics concertés de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux et des risques psychosociaux adossés à des indicateurs chiffrés et mesurables et à des études d’impacts sanitaires et sociaux.
  • Revoir le projet de loi 71-13 relatif à la lutte contre les troubles mentaux et à la protection des droits des personnes atteintes de ces troubles avant son adoption, en concertation avec les associations professionnelles et les syndicats des psychiatres, des psychologues, des infirmiers en psychiatrie, les associations d’usagers et la société civile.
  • Renforcer les garanties juridiques et judiciaires des personnes atteintes de troubles mentaux, en vue de prendre en considération leur état de santé et de leur assurer une meilleure protection. Pour ce faire, il convient de faire évoluer le Code pénal et le Code de procédure pénale en tenant mieux compte des spécificités de la maladie mentale et des besoins des patients concernés.
  • Agir sur les déterminants socioculturels de la santé mentale et psychique des individus (lutter contre les discriminations, les violences, le harcèlement, la précarité, l’isolement et la solitude) et détecter précocement les idées et comportements suicidaires chez les enfants et les jeunes notamment dans les familles, les établissements scolaires et les prendre en charge ;
  • Agir sur les risques psychosociaux dans le monde du travail en : ratifiant la Convention N°190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement ; développant la médecine du travail au sein des entreprises ; faisant évoluer le Code du travail en matière de reconnaissance du harcèlement moral, développant la liste des maladies professionnelles en y inscrivant les troubles psychiques et mentaux liés aux conditions de travail.
  • Améliorer l’accessibilité à des soins psychiques et psychiatriques de qualité, en phase avec le développement des connaissances et des traitements et les besoins spécifiques des patients liés à leur âge, leur condition socio-économique, leur environnement, leurs vulnérabilités.
  • Promouvoir le développement de la profession de psychologue ce qui implique de définir pour les psychologues un statut juridique et fiscal clair et unique et soient inscrits dans une liste officielle nationale des psychologues.
  • Revoir et mettre à jour la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) concernant la prise en charge des troubles mentaux et la Tarification nationale de référence qui y est associée, en tenant compte des évolutions médicales de la prise en charge des troubles mentaux et en veillant à une tarification raisonnable.