CESE

Le CESE appelle à procéder à une évaluation d'étape du chantier de la régionalisation avancée

Le Conseil Économique, Social et Environnemental a organisé, le 31 octobre 2023,  une rencontre pour présenter les conclusions de son avis sur le thème « Pour un développement harmonieux et inclusif des territoires :  les inflexions majeures» au Complexe administratif et culturel. Complexe des Habous à Casablanca.

Le CESE souligne, dans cet avis, que les réformes engagées dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée expriment la volonté des pouvoirs publics de doter le pays d’une organisation territoriale capable de relever les nouveaux défis du développement et de répondre efficacement aux attentes des citoyens. Huit années après l’amorcement de la mise en œuvre de ce chantier Royal, des avancées notables ont été enregistrées en matière de décentralisation ainsi qu’en termes de modernisation des structures de l’Etat.

Néanmoins et en dépit de ces réalisations, le modèle actuel de gouvernance territoriale apparait, à l’épreuve de l’analyse et de l’appréciation des acteurs et experts auditionnés, encore loin de l’ambition de faire des territoires ‘‘un lieu d’ancrage du développement’’. Les efforts consentis peinent encore à atteindre l’impact escompté aussi bien en termes de réduction des inégalités territoriales et sociales qu’en termes de contribution des régions à l’édification de la richesse nationale.

Cette situation pourrait s’expliquer par un certain nombre de fragilités et de dysfonctionnements qui continuent de grever le développement territorial dans notre pays. Il est permis d’en citer les plus significatifs :

  • Une territorialisation inaboutie de l’action publique en raison notamment, du chevauchement des compétences des collectivités territoriales et de leurs capacités opérationnelles limitées ;
  • La multiplicité des intervenants dans l’écosystème territorial et l’insuffisance de convergence de leurs actions, obérant la performance de l’investissement public consenti ;
  • Une lenteur dans la mise œuvre effective de la charte de la déconcentration administrative, privant les acteurs territoriaux des capacités humaines, techniques et financières nécessaires à l’exécution efficace et efficiente de leurs attributions ;
  • La faible participation du secteur privé et du tiers-secteur dans le processus d’élaboration de la vision stratégique de la région en matière d’investissement ;
  • Un manque patent, au niveau territorial, de ressources humaines qualifiées, hypothéquant la participation effective et impactante des collectivités territoriales dans la dynamique de développement ;
  • Une lenteur enregistrée dans la mise en œuvre du chantier de la transformation digitale de l’administration et sa répercussion sur la qualité du service public dispensé aux usagers au niveau local.

A la lumière de ce diagnostic, le CESE appelle à procéder à une évaluation d’étape du chantier de la régionalisation avancée en impliquant les principaux acteurs et parties prenantes concernés. Sur la base des résultats de cette évaluation, un débat est suggéré en vue de façonner une perspective collective et concertée, tant au niveau de l’approche que du déploiement de ce chantier.

Le CESE appelle également à repenser en profondeur les missions de l’Etat au niveau territorial en vue de favoriser un déploiement efficace et efficient de son action sous-tendu par une articulation synchrone et harmonieuse entre les dynamiques de la décentralisation et de la déconcentration. Dans cette perspective, un ensemble de préconisations a été proposé parmi lesquelles il est permis de citer :

  • Réviser les lois organiques des collectivités territoriales afin d’apporter une clarification plus fine quant à leurs attributions, en délimitant de manière précise le champ d’action de chaque échelon territorial au regard de la nature de ses compétences (propres, partagées, transférables) ;
  • Établir une plus grande clarté dans les relations entre les acteurs de l’écosystème territorial (wali et gouverneur, les présidents des trois échelons territoriaux -région, province et commune- et les services déconcentrés) pour une meilleure coordination et convergence de leurs actions ;
  • Mettre en œuvre, dans l’attente de la révision des lois organiques, le transfert des compétences propres des départements ministériels concernés vers les régions, en associant ce transfert à des critères objectifs et atteignables ;
  • Établir un échéancier précis, réalisable et opposable afin de transférer les attributions et le pouvoir de décision des administrations centrales vers les services déconcentrés de l’Etat ;
  • Promouvoir le développement de l’intercommunalité et la coopération verticale entre les différents échelons territoriaux, afin d’assurer une mutualisation optimale des ressources et garantir la prestation des services publics de qualité ;
  • Rendre obligatoire la réalisation effective d’une évaluation ex-ante de tout projet d’investissement public en vue de préciser ses objectifs et ses impacts (économiques, sociaux et environnementaux) et anticiper les risques éventuels ;
  • Prévoir, dans la réforme du secteur public en cours, un redéploiement territorial optimal des entreprises et établissements publics;
  • Asseoir, dans le cadre de la réforme en cours du secteur public, une complémentarité entre les compétences dévolues aux établissements publics à vocation territoriale et celles transférées aux administrations déconcentrées en veillant à développer des modèles de gestion rénovés, souples et adaptés aux besoins différenciés des citoyen(ne)s dans leurs territoires ;
  • Valoriser la fonction publique territoriale dans une logique d’attractivité des compétences requises, à même d’assurer le déploiement optimal des chantiers en lien avec la régionalisation avancée ;
  • Améliorer le service dispensé aux usagers en accélérant le processus de digitalisation, notamment par la mise en place d’un système d’information territorial intégré qui facilite l’interopérabilité entre les acteurs de l’écosystème territorial.