Alerte CESE
La société civile marocaine est reconnue pour son dynamisme, sa crédibilité et ses actions pour faire avancer plusieurs chantiers (droits catégoriels : femmes, enfants, personnes en situation de handicap; développement humain, lutte contre la pauvreté, services de proximité, etc.). Il apparait néanmoins qu’un certain essoufflement de la vie associative commence à se faire ressentir.
A l’heure où le Maroc s’oriente vers un modèle de développement plus inclusif et territorialisé, il devient impératif de voir émerger une nouvelle génération de société civile, plus forte, plus diversifiée et mieux organisée.
La Constitution de 2011 consacre, dans ses articles 12, 13 et 139, le rôle primordial des associations en tant qu’acteurs clés contribuant, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques et des programmes et projets de développement nationaux et territoriaux. Il convient de rappeler, à cet égard, le lancement de deux initiatives d’envergure destinées à accompagner la mise en place de ce nouveau positionnement accordé aux associations dans la gouvernance publique et le processus de prise de décision. Il s’agit, d’une part, de la « dynamique de l’appel de Rabat » initiée en 2012, et d’autre part, du « dialogue national sur la société civile et les nouvelles prérogatives constitutionnelles » lancé en 2013. Par ailleurs, le ministère délégué chargé des relations avec le parlement a élaboré la stratégie « Nassij », dédiée à la promotion des associations de la société civile pour la période 2022-2026.
Plus d’une décennie s’est écoulée depuis l’ancrage constitutionnel de la société civile, le lancement de ces deux débats nationaux auxquels ont pris part plusieurs milliers d’associations, et l’amorce de la stratégie ambitieuse mise en place en la matière par les pouvoirs publics. Force est de constater, aujourd’hui, que ce chantier transformateur peine à se concrétiser pleinement de manière à répondre aux attentes communes des différents acteurs et à atteindre le degré d’ambition escompté.
Parmi les contraintes persistantes, soulevées par les acteurs, il y a lieu de citer entre autres :
- des pratiques administratives parfois restrictives ne favorisant pas la création ou le renouvellement des instances de gestion des associations, et ce, conformément aux dispositions juridiques relatives au droit d’association (non-délivrance du récépissé provisoire et définitif, demande de pièces supplémentaires, );
- les difficultés rencontrées en matière d’exercice effectif du droit de pétition par les associations en raison de la complexité et la lourdeur des procédures y afférentes, ainsi que des suites réservées aux pétitions déclarées recevables par les collectivités territoriales ;
- l’accès limité à l’espace public pour l’organisation des activités;
- les dispositions fiscales non-adaptées aux spécificités des associations et un accès limité au financement public .
Partant de ce constat, le CESE préconise de donner une nouvelle et forte impulsion à la vie associative et de redynamiser son rôle dans le développement du pays, en mettant l’accent sur un ensemble de recommandations émises par le conseil sur la base de son approche d’écoute, de consultation et de co-construction avec les différentes parties prenantes, notamment les associations qui ont porté les initiatives précitées. Il s’agit principalement d’opérer deux grandes évolutions :
En premier lieu, des changements de portée juridique et structurelle :
- Veiller à la conformité du dahir n° 1-58-376 régissant le droit d’association, tel qu’il a été modifié et complété, avec les dispositions de la Constitution de 2011 et adopter un statut particulier pour les fondations et les associations intéressées à la chose publique ;
- Préciser, en matière de reconnaissance d’utilité publique, la disposition de « poursuivre un but d’intérêt général » énoncée dans l’article 1er du décret n°2-04-969, en établissant des critères explicites et opposables justifiant l’octroi ou le refus de ladite qualité ;
- Alléger les conditions d’obtention de l’autorisation d’ester en justice, telles qu’énoncées dans l’arrêté conjoint n°895-18, pour les associations de protection du consommateur non reconnues d’utilité publique ;
- Etablir un cadre réglementaire approprié pour encourager les associations des quartiers et des « douars» à s’organiser en réseaux, et les former/sensibiliser sur la participation citoyenne à travers les mécanismes participatifs de dialogue et de concertation au niveau des collectivités territoriales ;
- Définir de manière participative, les règles et les critères relatifs à la représentativité des associations intéressées à la chose publique au sein des instances consultatives qui participent à l’élaboration des programmes de développement des collectivités territoriales;
- Promouvoir le partenariat Etat/associations dans le cadre d’une vision revisitée des engagements de chaque partie, portant notamment sur la bonne gouvernance, l’accès aux financements publics, la qualité des objectifs et des actions, ainsi que le suivi et l’évaluation des résultats réalisés ;
- Procéder à l’adoption d’une classification exhaustive des associations, couvrant l’ensemble des finalités envisageables (plaidoyer/services ; national/international/territorial ; qualité d’intérêt publique/fondation, etc.), afin de faciliter l’établissement d’une base de données nationale simplifiée et aisément accessible à tous ;
- Déléguer aux associations de la société civile la gestion de certains services publics, en particulier les services de proximité et d’intérêt général, et ce dans le but d’assurer aux usagers une prestation de service à la fois de qualité et prompte ;
- Encourager la création de nouvelles associations en mettant à leur disposition des espaces collaboratifs dotés d’outils de travail nécessaires (téléphones, connexion internet, ordinateurs, assistance technique pour la création de sites web, abonnement aux bases de données et services digitaux, etc.).
Deuxièmement, des changements sur le plan financier et fiscal :
- Accroitre les fonds publics destinés aux associations et favoriser, dans le cadre de partenariats Etat-Associations, les financements pluriannuels, avec des projets d’une durée minimale de trois ans, plutôt que des subventions ponctuelles ;
- Adopter le plan comptable spécifique aux associations et veiller à intégrer les critères de bonne gouvernance ;
- Exonérer fiscalement, au titre de l’IS et de la TVA, les activités économiques des associations toutes catégories confondues, qualifiées de non lucratives selon les critères en usage définis par la règlementation fiscale (gestion non intéressée de l’association, caractère non concurrentiel de l’activité et de ses conditions d’exercice) ;
- Encourager l’emploi associatif en élargissant le spectre des associations bénéficiaires des incitations fiscales, tout en fixant des plafonds réduits pour l’impôt sur le revenu appliqué aux hauts salaires versés aux employés associatifs, et ce, dans la perspective de la révision prévue de l’IR en 2024 ;
- Autoriser les donateurs, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, à effectuer des dons déductibles de leurs impôts en faveur des associations ayant un ancrage territorial ainsi que des associations intéressées à la chose publique, après édiction du cadre législatif y affèrent et ce, dans la limite d’un seuil du chiffre d’affaires du donateur, à l’instar des associations qui ont conclu des conventions de partenariat avec l’Etat pour la réalisation de projets d’intérêt général ;
- Exonérer les associations des droits d’enregistrement et de timbre.