Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a organisé, le 29 septembre 20022, à Tanger, une rencontre dédiée à la présentation de son avis intitulé “Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral?”, présidée par Ahmed Reda Chami, président du Conseil.
Cette rencontre de communication, tenue au complexe administratif et culturel des Habous à Tanger, s’est déroulée en présence du Wali de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Mohamed Mhidia, du gouverneur de la province de Fahs-Anjra, Abdelkhalek Marzouki, du président du Conseil régional, Omar Moro, du directeur général de l’Agence pour la promotion et le développement du Nord (APDN), Mounir El Bouyoussfi, et de représentants de secteurs gouvernementaux, d’établissements publics, de conseils élus, d’organismes internationaux, d’établissements de recherche et de la société civile, ainsi que des chefs des services décentralisés et des membres du CESE.
Elle a été l’occasion de présenter l’intérêt du sujet de la dynamique urbaine et l’aménagement du littoral, les opportunités et les défis liés au littoral marocain, les contraintes structurelles entravant la planification urbaine et le plaidoyer du Conseil pour une urbanisation durable du littoral.
S’exprimant à cette occasion, M. Reda Chami a souligné que cette rencontre, la première du genre en dehors du siège du CESE à Rabat, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie du Conseil basée sur l’ouverture aux différents acteurs territoriaux, et vise à contribuer à la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée et au développement territorial, relevant que le choix de Tanger pour abriter cet événement est dicté par la place qu’occupe la ville comme métropole émergente qui attire de nombreux investissements et des projets d’envergure.
Cette manifestation intervient parallèlement à la célébration à Tanger de la Journée du littoral méditerranéen et au lancement des travaux préparatifs à l’élaboration du Schéma régional du littoral par le ministère de la Transition énergétique et du développement durable, a-t-il poursuivi.
Le président du Conseil a, par ailleurs, fait savoir que le littoral marocain représente un territoire précieux doté de richesses naturelles considérables, qui connait la concentration de plus de la moitié de la population et contribue à hauteur de 83% au PIB national et à plus de 50% à la création d’emploi, relevant qu’il s’agit aussi d’un pôle privilégié d’infrastructures et d’activités économiques, qui génèrent une grande partie de la richesse du pays.
Il a estimé que le littoral au Maroc pose des problématiques liées au degré de prise en compte d’une approche durable dans la gestion de ce milieu naturel vulnérable, ainsi qu’à la pression anthropique accrue sur cet écosystème, dans un contexte de changement climatique, notant que cette situation peut s’expliquer par de nombreuses lacunes, notamment les insuffisances liées à la gestion du littoral ,telles que les politiques publiques, notamment celles liées à l’aménagement du territoire et la multiplicité des intervenants.
Afin de remédier à ces problématiques, M. Reda Chami a rappelé que plusieurs dispositions ont été prises notamment sur le plan normatif, citant, à ce titre, l’adoption de la loi 81-12 sur le littoral en 2015, qui introduit les principes de gestion intégrée du littoral, et ce dans le respect des engagements du Maroc à l’échelle internationale, notamment la Convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et son Protocole sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC), et le décret n° 2.21.965 portant approbation du Plan national du littoral (PNL) prévu par la loi 81-12 et adopté en 2022.
Le président du CESE a, à ce égard, affirmé que le Conseil plaide pour un aménagement durable du littoral dans le sens d’une urbanisation maîtrisée assurant un équilibre entre le développement, la préservation et la valorisation de cet écosystème, relevant que la concrétisation d’une telle vision permettra d’atténuer significativement les pressions croissantes sur cet écosystème vulnérable, de renforcer la résilience de ce milieu et de promouvoir l’effectivité des droits environnementaux.
Il a noté que cet avis, élaboré sur la base d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes, est le résultat d’un large débat entre les différentes catégories, qui composent le Conseil, ainsi que des auditions organisées avec les principaux acteurs concernés, en plus d’une consultation lancée sur la plateforme digitale de participation citoyenne “Ouchariko”, faisant savoir que les citoyens ont fait montre d’un grand intérêt à l’urbanisation durable du littoral dans son articulation avec l’aménagement du territoire.
“Sur l’ensemble des citoyens ayant répondu au sondage lancé par le CESE sur l’urbanisation durable du littoral, 85% déclarent être insatisfaits de l’état du littoral national, 81% soutiennent la nécessité d’une réforme des politiques d’urbanisme, et 70% ont proposé d’améliorer l’applicabilité des documents d’urbanisme”, a lancé M. Reda Chami, relevant que les participants au sondage estiment que quatre facteurs expliquent les dysfonctionnements au niveau de l’urbanisation des zones côtières, à savoir l’incohérence des politiques publiques (26%), le mode de gouvernance et la multiplicité des acteurs intervenants sur le littoral (26%), l’ineffectivité des documents d’urbanisme (23%) et la problématique de gestion du foncier (18%).
Pour sa part, M. Mhidia a affirmé que le littoral de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui dispose de deux façades maritimes de 450 km, constitue un élément important de la croissance économique et du développement social et urbain, vu qu’il représente un pôle d’attraction pour les investissements, les projets structurants et les activités de pêche maritime et de tourisme, notant que cet écosystème vulnérable fait face à de nombreux phénomènes, notamment la pollution, l’érosion côtière, la surexploitation et l’exploitation illicite des ressources, et l’altération des paysages, ce qui pose la problématique de la gestion intégrée du littoral.
Le Wali de la région a souligné que l’intégration de la dimension environnementale et la nécessité de la préservation du milieu naturel figurent parmi les décisions prises en matière de politiques publiques locales et de projets d’investissement, à travers des initiatives visant à réduire la pollution et à protéger l’environnement, notamment la généralisation des stations d’épuration des eaux usées, la création de décharges contrôlées, et la réhabilitation et le reboisement des anciennes décharges.
Il a appelé tous les acteurs à s’engager activement pour faire en sorte que le plan régional de gestion du littoral voie le jour le plus tôt possible, compte tenu de son importance économique et écologique pour un littoral intégré et durable.
De son côté, M. Moro a mis l’accent sur la relation existante entre le littoral et l’urbanisation d’une part, et l’économie et la société d’autre part, au niveau de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, en particulier dans les pôles de Tanger et de Tétouan, qui sont des zones à forte densité de population et soumises à une forte pression urbaine et économique, affectant d’une manière ou d’une autre l’équilibre des écosystèmes de la région.
Il a, dans ce cadre, exhorté les acteurs administratifs, économiques et territoriaux à prendre en considération ces particularités dans la prise de décisions, la programmation des interventions et la proposition des projets, soulignant la nécessité de maintenir les grands équilibres entre le littoral et l’intérieur, à travers la révision de la répartition des activités économiques et des extensions urbaines, afin d’assurer un développement global, durable et équilibré.
Quant à Khalil Bensami, membre du Conseil, il a présenté un exposé dans lequel il a souligné que le Conseil propose une série de recommandations s’articulant autour de deux axes prioritaires, à savoir la mise en place d’une gouvernance participative, efficace et efficiente du littoral, et la refonte de la politique d’urbanisation basée sur les principes de territorialisation, de participation citoyenne, de respect des droits fondamentaux et de préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Il a relevé que le CESE souligne la nécessité de veiller à la bonne application des dispositions de la loi 81-12 relative au littoral, et assurer son effectivité, notamment par la mise en oeuvre des instruments de planification spécifiques au littoral (PNL) et la confection des instruments non encore élaborés à date (schémas régionaux du littoral), et d’assurer une articulation optimale entre les documents d’urbanisme, les programmes territoriaux et les politiques sectorielles d’une part, et la loi sur le littoral d’autre part, ainsi que de repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales, en vue de renforcer la coordination inter-institutionnelle, notant que cette coordination peut être assurée, dans certaines zones littorales spécifiques, par des agences spéciales (Agence Marchica).
M. Bensami a ajouté que le Conseil recommande également la mise en place d’une nouvelle génération de documents d’urbanisme conçues sur la base d’une démarche sous-tendue par des études scientifiques et l’implémentation des normes d’une gestion intégrée du littoral, et la participation de la société civile et de la population dans toutes les étapes du processus, à travers des études de terrain, des enquêtes, des sondages et des réunions publiques, et la mise en place des mécanismes de financement innovants et durables pour faciliter la mise en oeuvre des documents d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
Le CESE plaide aussi pour l’assainissement de la situation des constructions situées dans le domaine public maritime ou dans la bande des 100 mètres interdite à la construction, notant que cela passerait notamment par une réforme du cadre juridique en vigueur sur l’occupation temporaire du domaine public de l’Etat.
Il convient de noter que cette autosaisine vise en priorité à alerter sur la nécessité de sauvegarder le littoral marocain contre les dynamiques de dégradation en cours. Il s’agit ensuite d’engager une réflexion susceptible d’assurer la pérennité de cet écosystème face aux risques résultant à la fois des pressions anthropiques et des conséquences du changement climatique.