Dans le cadre de l’élaboration de son avis intitulé « pour un développement harmonieux et inclusif des territoires : les inflexions majeures », le CESE a sollicité, du 10 mars au 7 avril 2023, la contribution des citoyen(e)s à travers sa plateforme « Ouchariko » ainsi que sa page officielle sur le réseau social Facebook. Le nombre cumulé de participants qui ont répondu au sondage est de 1095 répondants. A cet effet, les résultats de la consultation donnent globalement une idée sur la satisfaction des participants par rapport aux réformes du secteur public engagées ces dernières années, aux services sociaux dispensés aux citoyens, aux services dispensés par l’administration aux citoyens selon les différents échelons. Les participants ont également exprimé leur avis sur la répartition de l’investissement public, les facteurs qui nuisent à la qualité des services ainsi que sur les mesures à entreprendre permettant à même de garantir un service de qualité au citoyen. Pendant la durée de la consultation citoyenne, plusieurs dizaines d’internautes ont interagi avec le sujet en publiant 232 commentaires sur les pages officielles du CESE dans différents réseaux sociaux.
Réformes du secteur public entreprises ces dernières années
Le nombre de participants qui considèrent les réformes du secteur public très efficaces ne dépasse pas 16%, et seuls 34% des répondants estiment qu’elles sont plutôt efficaces. La digitalisation des services publics vient en tête des réformes ayant recueilli un avis favorable, avec 56% des répondants estimant qu’elle a été plutôt efficace.
Parmi les réformes considérées par les répondants comme non efficaces, figure la justice à hauteur de 56%, suivie de la réforme de l’administration et la réforme des entreprises et établissements publics avec 48%. L’organisation territoriale fondée sur la régionalisation avancée et la déconcentration administrative sont des réformes non efficaces selon les répondants avec respectivement 45% et 41%.
Répartition de l’investissement public
Globalement, la répartition de l’investissement public est considérée par la majorité des répondants comme non équilibrée. En effet, 92% des participants à cette consultation estiment que la répartition de l’investissement public entre les régions est déséquilibrée. Le problème se pose aussi au niveau des régions ; en effet 90% des répondants considèrent que la répartition de l’investissement public au sein des régions est non équilibrée. La répartition de l’investissement public entre les secteurs constitue également une forte préoccupation des répondants puisque 89% l’ont considérée comme non équilibrée. En revanche, les répondants qui estiment que la répartition de l’investissement public est équilibrée ne dépassent pas 10%.
Les services sociaux dispensés au citoyen (santé, éducation, sécurité, ..)
Les résultats du questionnaire font ressortir que la majorité des répondants (93,86%) sont globalement insatisfaits des services sociaux dispensés au citoyen. À ce titre, 98,42% des répondants sont insatisfaits des services de la santé et 94,42% des services de l’éducation. Seuls 20,66% des répondants, en moyenne, ont exprimé un avis positif concernant un service public particulier. Ainsi, en matière de satisfaction, la sécurité arrive en tête avec 54,56% d’avis favorables, suivie des infrastructures et équipements publics (25,81%) et du transport (25,25%).
Satisfaction par rapport aux services publics dispensés au citoyen
83,56% des participants déclarent être insatisfaits de la qualité des services publics. Les dimensions qui suscitent le plus l’insatisfaction chez les répondants portent sur l’équité dans le traitement des doléances des citoyens (93,69%), le délai de traitement des dossiers administratifs (88,69%) et l’accueil au niveau des guichets (86,07%). Les participants sont également insatisfaits du niveau de simplification des procédures administratives (79,89%). Seule la digitalisation des services publics se distingue avec 33,36% de satisfaction. // pas grande différence pour se distinguer- voir graphe ci-dessous.
Services dispensés par l’administration aux citoyens à divers échelons
Les participants à la consultation considèrent que les services dispensés par l’administration aux citoyens au niveau de différents échelons posent de réels problèmes, et nécessitent des efforts sur différents plans pour les optimiser. Ainsi, c’est le niveau local qui vient en tête avec 72,27% des répondants ayant exprimé leur insatisfaction, suivi des niveaux provincial et régional avec 68%. Le jugement concernant le niveau central est plus partagé, avec 57,6% d’insatisfaits. Par ailleurs, les répondants ont exprimé des proportions de satisfaction quasi-égales pour les quatre niveaux : local (25,91%), provincial (24,43%), régional (18,92%) et central (26,58%).
Facteurs qui nuisent à la qualité des services
Quant aux principaux facteurs qui nuisent à la qualité des services publics, la question des ressources humaines ressort, selon 54,69% des répondants, comme le principal facteur à l’origine de la mauvaise qualité du service public dispensé au citoyen, suivi des procédures administratives avec 37,62%%. Seuls 7,69% des répondants au questionnaire considèrent que les moyens matériels constituent un facteur qui nuit à la qualité des services.
La quasi-majorité des 232 commentaires des internautes sur les pages du CESE dans les différents réseaux sociaux ont porté sur les facteurs susceptibles de garantir des services publics de qualité. L’idée renforcement du contrôle et de la reddition des comptes, associée au renforcement d’un cadre juridique adapté et effectif, arrive, et de loin, en tête des propositions des internautes. A ce propos, on peut citer, à titre d’illustration, certains de ces commentaires : « c’est quand nous observerons et entendrons parler de reddition des comptes que les choses s’amélioreront au sein de l’administration » ; « Ériger la reddition des comptes en priorité majeure est essentiel pour restaurer la confiance et garantir à tous une égalité devant la loi. Il est impératif d’instaurer une transparence totale quant à l’usage des fonds des contribuables, permettant à chaque citoyen de comprendre comment ces ressources sont employées et les résultats qui en sont tirés. Ainsi, tout le reste progressera naturellement dans la bonne direction ».
Les ressources humaines arrivent en deuxième position des facteurs identifiés par les internautes comme condition pour améliorer la qualité des services publics. Différents aspects relatifs à ce facteur sont cités par les participants, qu’il s’agisse de la formation et de la formation continue, des conditions matérielles des agents publics, leurs conditions de travail, ou leur motivation. A cet égard, les internautes soulignent la nécessité d’assurer une adéquation entre les profils des individus et les postes qu’ils occupent.
La digitalisation et la simplification des procédures arrive juste après, tout en soulignant qu’il s’agit d’agir en profondeur, en assurant la cohérence des différentes procédures et éléments du système, et en garantissant l’adéquation et l’effectivité des normes édictées. C’est ce qu’illustre le commentaire d’un internaute : « Un enjeu majeur au Maroc réside dans le fait que beaucoup agissent à leur discrétion, en décalage avec la législation. Pour illustrer cela, prenons l’exemple du ministère de l’Intérieur qui a supprimé plusieurs documents officiels, tels que le certificat de vie, le certificat d’indigence ou encore celui de non-emploi. Nombre de ces documents sont désormais de simples attestations. Malgré cela, le ministère de la Justice persiste à exiger le certificat d’indigence pour pouvoir bénéficier de l’aide judiciaire, et les universités sollicitent le certificat de non-emploi, accompagné de documents certifiés. Il semble que la loi ait été compromise dès ses prémices. Des initiatives comme la mise en place d’une plateforme de plaintes demeurent inachevées, laissant les demandes sans réponse. L’accès à l’information est également un défi. En fin de compte, il semble que nous empilons les lois davantage pour la façade internationale et face aux organisations des droits de l’homme que pour leur mise en application effective ».
C’est ainsi qu’un certain nombre de commentaires ont souligné l’importance de conditionner la réussite du chantier de la réforme des services publics par la présence d’une volonté politique forte, et par l’accélération des réformes du système de gouvernance global. Cette approche est illustrée par les exemples de commentaires suivants : « Il n’y a pas de réforme sans une volonté politique forte et sincère de la part des décideurs de notre pays » ; « Avant d’aborder la réforme de l’administration, il convient de revisiter nos conceptions de la citoyenneté, de l’État, de la politique, des élections, de la démocratie, de l’économie, entre autres. Pour valoriser l’administration, une refonte du paysage politique et médiatique s’impose. Il est également primordial d’insuffler une éthique dans la vie économique et politique. De plus, l’éducation doit être considérée comme un levier fondamental pour progresser, notamment dans le domaine de la santé et d’autres secteurs pertinents ».
Mesures préconisées pour garantir un service public de qualité et quel est le degré d’importance de chacune de ces mesures
Globalement, les mesures préconisées par les répondants ont été appréhendées selon un degré d’importance quasi-égale. Une légère préférence se dégage toutefois par rapport à certaines mesures. En effet, les 84% des répondants considèrent que la mesure relative au renforcement de l’accès équitable des citoyens aux services publics de qualité est très importante. Les réformes des secteurs publics à caractère social (éducation, santé, etc.) semblent aussi primordiales pour les participants dont 79% les ont indiquées comme très importantes. La mesure consistant à établir des procédures de gestion interne simplifiées au niveau de l’administration, des collectivités territoriales et des établissements et entreprises publics, est aussi considérée par les répondants comme très importante avec 75%. S’agissant de la mesure relative à la nécessité de revoir la planification et la gestion de l’investissement public à l’échelon national et territorial en vue d’améliorer son efficacité et efficience et rehausser la contribution du secteur privé, elle figure également parmi les préoccupations des participants, étant donné que 65% des répondants l’ont jugée d’une importance très élevée.
Pendant la période de la consultation citoyenne sur la réforme du secteur public au service du développement territorial,
La majorité des commentaires ont porté sur la simplification des procédures administratives, les ressources humaines qualifiées, la réforme du secteur de la santé et la digitalisation des services publics, incluant l’utilisation des outils technologiques pouvant limiter les interactions humaines et réduire ainsi la corruption dans le secteur public.
Par ailleurs, selon les internautes, la réforme du secteur public passe nécessairement par l’indépendance de la justice, la démocratisation du champ politique et la moralisation de la vie publique. D’autres interactions insistent largement sur l’importance de l’école en soulignant que la réussite de toute réforme du secteur public est étroitement liée à la refonte du secteur de l’éducation.
Les internautes considèrent également que la réforme du secteur public devrait se pencher d’abord sur la réforme de l’Etat central (départements ministériels, établissements publics, etc.) et ensuite sur la réforme de l’Etat au niveau territorial (walis, gouverneurs, etc.).
Les participants ont identifié certains éléments clés qui, à leur avis, constituent les principaux facteurs contribuant à la réussite de la réforme du secteur public. Il s’agit de :
- Repenser le système judiciaire et veiller à l’application effective de la loi.
- Renforcer la transparence et lier la responsabilité à la reddition des comptes.
- Réduire au maximum la rente de situation et les privilèges en vue de rationaliser les deniers publics.
- Réduire le nombre de voitures de l’Etat et rationaliser leur utilisation uniquement pendant les heures de travail (interdire l’utilisation des voitures de l’Etat en dehors des heures de travail).
- Répondre aux plaintes des citoyens et donner suite à leurs affaires devant les tribunaux.
- Renforcer le contrôle et la reddition des comptes au niveau des cliniques et des écoles privées dont les coûts souvent très élevés affectent lourdement le pouvoir d’achat des citoyens.
- Réformer la fonction publique et élaborer une stratégie de formation et d’accompagnement des cadres et personnel de l’Administration.
Certains participants estiment que la réforme du secteur public est fortement liée à la prise en compte de l’élément humain, considéré, selon eux, comme essentiel dans la mise en œuvre de tout programme de réforme. La formation continue, le soutien psychologique, l’amélioration des conditions sociales et l’amélioration du pouvoir d’achat des fonctionnaires, sont cités comme des mesures incitatives permettant à même de stimuler l’auto-développement de l’employé, renforcer son engagement et améliorer ainsi la qualité du service public rendu au citoyen.
Enfin, la forte volonté politique de la part des décideurs, l’instauration d’une véritable démocratie, la séparation des pouvoirs et la participation effective des citoyens, constituent des questions de grande importance pour les participants ayant interagi avec la consultation, et c’est dans ce sillage qu’ils les placent comme condition sine qua non d’une réforme réussie du secteur public au Maroc.