Dans le cadre de l’élaboration de son rapport annuel au titre de l’année 2022, le CESE a consacré son focus à la gestion des crises liées à la sécheresse. Pour ce faire, il a initié une consultation citoyenne à travers sa plateforme « Ouchariko » entre le 24 mai et le 17 juin 2023, sollicitant la contribution des citoyen(e)s. Par ailleurs, un nombre significatif d’internautes a interagi activement en publiant des commentaires sur la page du CESE sur divers réseaux sociaux. Les conclusions issues de cette consultation permettent d’esquisser de manière générale les perceptions des participant.e.s concernant la problématique de la sécheresse au Maroc, ainsi que leur évaluation des mesures prises pour gérer et atténuer ses effets. Les réponses et les opinions exprimées par les participant.e.s contribuent à évaluer l’impact des diverses actions et mesures déployées sur la population, et ce, dans le but de répondre de manière urgente à cette situation de sécheresse.
Le nombre de personnes qui ont interagi avec le sujet est de 11 486 dont 570 participants au questionnaire.
Caractéristiques du groupe de participants
Les 570 participants à la consultation représentent majoritairement une population citadine, avec une proportion significative atteignant plus de 83,85%, tandis que la population rurale ne compte 16,15%. Ces données révèlent que les défis inhérents à la sécheresse se profilent comme une source de préoccupation pour l’ensemble des marocains, et ne se limitent point exclusivement à ceux qui sont intrinsèquement liés à la sphère agricole.
En termes de répartition par genre, le nombre d’hommes ayant répondu au questionnaire a approximativement doublé celui des femmes, avec une proportion s’élevant à 65,23% pour les premiers, contre 34,77% pour les secondes.
La population des répondants est composée à près des deux tiers (61,22%) par des jeunes de moins de 34 ans. La répartition des participant.e.s par tranche d’âge, telle que détaillée dans le graphe ci-dessous, recoupe parfaitement la distribution des répondants selon la catégorie socio-professionnelle. L’échantillon des répondants est constitué majoritairement de cadres (41,12%) et d’étudiants (35,08%). Il convient de noter que seuls 4 répondants ont déclaré exercer en tant qu’exploitants agricoles.
Bien que les 12 régions du Royaume soient représentées au sein de l’échantillon, près de la moitié des répondants sont concentrés dans l’axe Rabat-Salé-Kénitra. La région Casablanca-Settat se positionne nettement en-deçà, avec seulement 16,32% des participant.e.s.
Perceptions des crises liées à la sécheresse
La majorité des répondants associent la sécheresse au manque ou au retard des précipitations (68,94%), ainsi qu’aux difficultés d’accès régulier et continu à l’eau potable (63,85%). Toutefois, une part significative établit un lien entre ce phénomène et son incidence sur la disponibilité (35%) et l’accessibilité (36,66%) des produits agricoles et alimentaires sur le marché interne. La presque totalité des répondants (94,35%) est unanime quant à l’extrême gravité de cette problématique. Les commentaires émis sur les réseaux sociaux ont largement souligné la sévérité de la situation et l’urgence critique de prendre les mesures nécessaires pour faire face à ses conséquences.
Près des deux tiers (60,90%) des répondants rapportent avoir été affectés, directement ou indirectement, par les conséquences de la sécheresse. Un peu plus de la moitié (57,03%) des participant.e.s témoignent de difficultés d’accès aux produits agricoles ou alimentaires imputables à la sécheresse. Ainsi, 20,63% des répondants considèrent que ce phénomène naturel entraine une insuffisance de disponibilité des produits agricoles sur le marché, tandis que 36,40% observent une baisse de leur pouvoir d’achat en raison de la cherté des produits alimentaires induite par la sécheresse. Il convient de noter qu’un quart des répondants (25,61%) déclarent avoir rencontré des difficultés pour accéder à l’eau.
Les répondants convergent largement vers le constat que le stress hydrique est accentué par la consommation irresponsable (71,22%), voire illégale (69,12%) de l’eau. L’arrosage des espaces verts et des terrains de sport (45,08%), ainsi que l’agriculture irriguée (47,36%), arrivent en tête des activités auxquelles les participant.e.s imputent la responsabilité de l’aggravation du problème de l’eau au Maroc, loin devant d’autres secteurs économiques cités tels que le tourisme (32,63%) et l’industrie (32,63%). Les commentaires émis sur les réseaux sociaux convergent également vers une préconisation de restreindre, voire d’interdire, la culture intensive et orientée vers l’export de certaines variétés agricoles. L’avocat et la pastèque sont plus spécifiquement désignés à ce propos. La réduction de l’arrosage des espaces verts ou de terrains de sport, notamment ceux des golfs, est évoquée dans de nombreux commentaires, préconisant de privilégier l’utilisation des eaux usées traitées dans ces cas.
Par ailleurs, près de la moitié des répondants font part de leur préoccupation quant à la diminution des quantités d’eau disponibles ou utilisables, en raison des déperditions dans les canaux de distribution (45,43%), ou de la pollution (43,15%).
Évaluation des mesures prises pour gérer et atténuer les effets de la sécheresse de l’année 2022
Les mesures de soutien à l’approvisionnement en eau potable se distinguent en tant que celles qui suscitent le niveau de satisfaction le plus élevé (78,36%). Cette tendance est corroborée par les commentaires émis sur les réseaux sociaux. Les participant(e)s rappellent, en effet, un certain nombre de mesures qu’il convient de mettre en œuvre afin d’accroître les quantités d’eau potable disponibles. À cet égard, les citoyens ayant contribué par ce canal se montrent unanimes quant à l’importance de la politique des barrages, en appuyant l’idée d’interconnecter les bassins hydrauliques ou en suggérant la construction de grands barrages ou de barrages collinaires. Ils émettent également l’idée de profiter de l’assèchement de certains lacs de retenue afin d’entreprendre le dévasement des barrages en question. Le dessalement de l’eau de mer se positionne comme le deuxième moyen le plus évoqué dans lesdits commentaires, en le reliant à la nécessité d’utiliser une énergie verte et économique. En revanche, les avis semblent légèrement plus prudents quant au traitement des eaux usées. Les contributeurs favorables à cette solution soulignent l’importance de l’assortir de stricts contrôles sanitaires et préfèrent réserver les eaux récupérées par ce moyen à des usages spécifiques tels que l’arrosage des espaces verts. La récupération des eaux de pluie arrive en bas de classement, juste devant l’ensemencement des nuages.
Les efforts visant à rationaliser l’utilisation de l’eau arrivent en deuxième position du classement de satisfaction des répondants en ce qui concerne les mesures de gestion des crises liées à la sécheresse. Ainsi, la réduction de la quote-part d’eau destinée à l’irrigation a recueilli 74,36% d’avis favorables, suivie de l’interdiction d’utilisation de l’eau dans certaines activités (71,60%) et de la lutte contre les pertes sur les canaux de distribution (70,96%). Les commentaires émis sur les réseaux sociaux vont dans la même veine, soulignant la nécessité et l’urgence de réguler et de rationaliser la consommation d’eau potable, tant dans le domaine agricole que dans le cadre de la consommation domestique. Ainsi, outre les commentaires portant sur les cultures à forte consommation d’eau, les contributeurs préconisent la promotion des techniques d’irrigation au goutte-à-goutte, ainsi que la réhabilitation des techniques traditionnelles de collecte et de distribution, notamment les khattarates.
Les dispositifs de soutien aux agriculteurs affichant une satisfaction élevée de 72,42% pour les mesures d’aides et de subventions directes, et de 70,95% pour l’assurance agricole. Les commentaires émis sur les réseaux sociaux soulignent la nécessité d’entreprendre une évaluation approfondie des politiques agricoles en cours, voire antérieures, et de marquer une rupture substantielle vis-à-vis du paradigme productiviste, en faveur de modèles plus durables et éco-responsables qui se focalisent résolument sur le volet humain et environnemental, ainsi que sur les intérêts des futures générations.
Les avis sur les campagnes de sensibilisation sur l’économie de l’eau semblent plus mitigés (61,11%). Les commentaires émis sur les réseaux sociaux s’accordent de manière unanime quant à la nécessité de poursuivre les efforts de sensibilisation, reconnaissant que ce domaine nécessite encore une attention considérable pour susciter des changements culturels et comportementaux chez l’ensemble des citoyens, tout en préparant les générations futures aux défis qui se profilent à l’horizon. Les contributions soulignent l’importance de puiser dans notre héritage culturel et religieux les principes séculiers qui devraient guider notre rapport avec la nature et les ressources qu’elle nous offre. Les citoyens qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux recommandent une diversification des canaux de sensibilisation afin d’atteindre tous les segments de la société, en mettant l’accent sur la dimension pédagogique. La sensibilisation aux changements climatiques et aux enjeux environnementaux a été particulièrement mise en avant par les contributeurs.
Les participant.e.s sont toutefois majoritairement réticents à l’idée de recourir à des coupures d’eau ciblées dans certaines villes (68,55%). Les commentaires émis sur les réseaux sociaux ont également souligné l’importance de garantir l’équité territoriale. Ils ont ainsi jugé inacceptable que les localités les plus proches de certains barrages ne bénéficient pas, ou insuffisamment, des ressources hydriques qui en découlent.
Quant à la lutte contre les pertes sur les canaux d’eau, elle recueille un soutien marqué, avec 38,33% des répondants exprimant une grande satisfaction, talonnée par le soutien à l’approvisionnement en eau potable, suscitant également un niveau élevé de satisfaction chez 35,13% des répondants. En revanche, l’adhésion à la réduction de la quote-part de l’eau destinée à l’irrigation se révèle plus mitigée, avec 39,65% des répondants se déclarant moyennement satisfaits.
Les participant.e.s à la consultation ont été appelé(e)s à classer un ensemble de mesures par ordre d’importance. Bien que les répondants reconnaissent que l’agriculture devrait jouer un rôle prépondérant dans les efforts déployés, ils n’en négligent pas moins la responsabilité collective de la société face à la problématique de la sécheresse. Ainsi, ils ont accordé la plus haute importance aux mesures visant à promouvoir les cultures à faible consommation d’eau, talonnées par l’implication de l’ensemble des acteurs de la société dans la gestion de l’eau.
Les questions institutionnelles occupent respectivement la troisième et la quatrième position dans les choix des répondants. Il s’agit des mesures visant à renforcer la cohérence des programmes sectoriels de développement, et des capacités du pays en matière de prévention et d’anticipation. À cet égard, les commentaires émis sur les réseaux sociaux soulignent l’importance de respecter et de suivre scrupuleusement les directives établies par SM le Roi, ainsi que de la nécessité d’une adhésion responsable, transparente et efficace des différents acteurs impliqués dans la mise en œuvre intégrée et coordonnée des programmes et des politiques publiques. Ils préconisent également l’élaboration et l’adoption d’une charte dédiée à la gestion de l’eau.