CESE

Auto-Saisines

Le cloud, un levier d’urgence pour accélérer la transformation digitale

Le présent avis vient compléter le travail réalisé en 2021 par le CESE dans le cadre d’une auto-saisine intitulée «vers une transformation digitale responsable et inclusive», et particulièrement sa recommandation portant sur le développement des « data centers souverains nationaux et régionaux pour permettre à l’Etat et aux entreprises marocaines d’héberger leurs actifs stratégiques (données et applications) ». Dans cet avis, le CESE se focalise sur les facteurs favorisant l’adoption et le déploiement du cloud par les acteurs, dans le but d’accélérer la transformation digitale de notre pays, tout en assurant la souveraineté des données sensibles et vitales. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue le 31 août 2023.

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Synthèse

Le présent avis vient compléter le travail réalisé en 2021 par le CESE dans le cadre d’une auto-saisine intitulée « vers une transformation digitale responsable et inclusive », et particulièrement sa recommandation portant sur le développement des « data centers souverains nationaux et régionaux pour permettre à l’Etat et aux entreprises marocaines d’héberger leurs actifs stratégiques (données et applications) ». Dans cet avis, le CESE se focalise sur les facteurs favorisant l’adoption et le déploiement du cloud par les acteurs, dans le but d’accélérer la transformation digitale de notre pays, tout en assurant la souveraineté des données sensibles et vitales. Il a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue le 31 août 2023. 

Le cloud constitue un levier important pour accélérer et réussir la transition digitale. Il s’agit d’une infrastructure essentielle qui, en plus de permettre de stocker et de protéger les données sur des serveurs distants et accessibles via Internet, garantit un accès rapide à des infrastructures et services numériques partagés permettant de réaliser jusqu’à 20 % d’économie d’échelle. En offrant des services notamment dans les domaines de la mobilité intelligente, la télésurveillance, l’accès automatique aux services et le streaming, le cloud est un vecteur important pour organiser, de manière optimale comme l’ambitionne notre pays, des évènements de portée internationale tels que la Coupe du monde.

Malgré ce potentiel important, le Maroc accuse encore un retard dans l’adoption du cloud par les acteurs. En effet, en 2020, le taux d’externalisation des ressources informatiques ne dépassait pas 14 %, tandis qu’il atteignait 35 % en Europe de l’Ouest et 51 % en Asie-Pacifique.

Par ailleurs, malgré l’existence de plusieurs acteurs nationaux qui proposent des services d’hébergement et de cloud, l’offre nationale demeure manifestement orientée vers les besoins les plus usuels et les plus basiques (hébergement, infrastructure as a service, applications fréquentes), sans couvrir toute la diversité des offres applicatives et services à haute valeur ajoutée (software as a service).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation :

  • Un marché national restreint dû à un faible ancrage de la culture du cloudles organisations optent encore pour des modes de gestion privilégiant la possession et la gestion directe des infrastructures et des applications en interne occultant les effets de mutualisation, de résilience et de scalabilité offerts par le cloud.
  • Le coût relativement élevé de la connectivité : les acteurs du cloud ont besoin d’une connectivité de qualité à des prix abordables afin de disposer de larges bandes passantes permettant à la fois l’accès de leurs clients et la réplicabilité entre leurs sites pour assurer la redondance géographique. Or, le coût des liaisons Internet est jusqu’à 4 fois plus cher au Maroc qu’en Europe.
  • Le manque de ressources humaines qualifiées : le secteur du cloud, comme l’ensemble du marché IT, est confronté à une pénurie de ressources humaines accentuée par une concurrence internationale intense, en particulier pour les compétences hautement spécialisées.
  • Un retard dans la mise en œuvre de la classification des données en fonction de leur niveau de sensibilité tel que prévu par la loi 05-20 relative à la cybersécurité et son décret d’application. Cette classification demeure indispensable pour faire le choix de l’infrastructure la plus appropriée.

Partant de ce diagnostic et des enseignements tirés des expériences internationales, le CESE appelle à accorder une importance primordiale au cloud au niveau de la stratégie de la transition numérique en cours de finalisation par le ministère de la transition numérique et de la réforme de l’administration. Pour ce faire, il est préconisé d’établir en urgence un plan d’action « priorité au cloud », visant son déploiement et la promotion de son utilisation, en vue d’accélérer la transformation digitale et assurer la souveraineté des données.

Cette mission pourrait être confiée à une commission regroupant les parties prenantes concernées et pilotée par ministère de la transition numérique et de la réforme de l’administration délégué auprès du Chef de Gouvernement avec l’étroite collaboration des acteurs clés des secteurs publics et privé pour apporter les expertises nécessaires et déployer le plan d’action identifié à l’échelle nationale. L’Agence de Développement du Digital (ADD) pourra être chargée de l’opérationnalisation de ce plan.

L’ambition souhaitée est de positionner notre pays en tant qu’acteur régional de premier rang en matière de services cloud. L’objectif in fine est de s’ériger, au niveau continental, en tant que « data embassy » en offrant des services avancés du cloud, en veillant à impliquer les acteurs nationaux.

Un ensemble de recommandations a été proposé dans ce sens, parmi lesquelles il est permis de citer :

  • Encourager l’installation des acteurs mondiaux et/ou internationaux du cloud (hyperscalers) au Maroc, notamment à travers (i) la mise en place d’un ensemble de mesures incitatives (tarifs des services télécoms, data privacy, cybersécurité, énergies renouvelables, foncier, etc.) ; (ii) le développement d’offres de fibre optique compétitives et adaptées aux besoins de ces acteurs. Dans ce sens, l’ANRT devrait prévoir des leviers de régulation, visant la diversification de l’offre, la garantie de qualité de service et la baisse des coûts.
  • Mettre en place une solution de cloud souverain (public ou privé) pour les applications et les données à caractère vital et sensible.
  • Prioriser l’usage du cloud pour tous les nouveaux projets gouvernementaux et accompagner les administrations dans la migration de leurs systèmes existants vers le cloud.
  • Accompagner les TPE/ PME désirant adopter le cloud tout en accordant aux entreprises utilisatrices des incitations financières.
  • Développer les compétences locales dans les métiers du cloud.
  • Promouvoir un écosystème national de startups qui puisse tirer profit de la technologie cloud (IaasPaaS et SaaS).