Indemnité pour perte d’emploi : quelles alternatives à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale ?

Synthèse

Depuis sa mise en place en 2015, un nombre limité de personnes bénéficie aujourd’hui de l’Indemnité pour Perte d’Emploi (IPE). Selon les derniers chiffres disponibles, le nombre de bénéficiaires de cette indemnité a atteint, depuis sa création, 77 826, un chiffre bien en deçà de l’objectif fixé de 30.000 bénéficiaires par an.

Cette indemnité qui a été mise en place, pour une durée de six mois, au profit des salariés du secteur privé formel, déclarés auprès de la CNSS, en cas de licenciement, s’apparente plus à un filet de sécurité sociale pour éviter aux personnes de tomber, du jour au lendemain, dans la pauvreté qu’à une assurance chômage. En effet, le montant mensuel de l’indemnité est égal à 70% du salaire de référence (salaire mensuel moyen déclaré des 36 derniers mois) sans excéder le montant du salaire minimum légal (SMIG). 

L’analyse des caractéristiques du dispositif actuel de l’IPE fait ressortir trois principales raisons limitant sa portée : 

  • des conditions d’éligibilités restrictives, avec notamment un rejet de la moitié des dossiers à cause de l’insuffisance du nombre de jours déclarés ;
  • des niveaux de prestations insuffisants, avec comme base de calcul le SMIG et qui ne répond pas au niveau de vie de plusieurs catégories professionnelles ; 
  • un financement insuffisant et inéquitable qui ne tient compte ni de la durabilité des sources de financement ni de la répartition des catégories professionnelles.

Cette situation interpelle sur l’urgence d’une réorganisation de cette indemnité, qui fait partie des quatre axes visés par la réforme prévue par la loi-cadre sur la protection sociale.

Certes, cette réorganisation peut être effectuée à travers une réforme paramétrique, ce qui constitue la voie adoptée par le gouvernement à partir de 2018 avant l’adoption de la loi-cadre sur la protection sociale. L’examen de cette modalité, par le CESE, laisse conclure qu’elle reste limitée, ne portant que sur la variation d’un seul paramètre (période minimum de cotisation), avec un choix du scénario le moins coûteux financièrement et le moins avantageux socialement.

C’est ainsi que, le CESE préconise, à la lumière de la loi-cadre sur la protection sociale, une réforme systémique progressive et recommande la mise à l’étude urgente d’un système d’indemnisation chômage, comprenant un régime assurantiel et un régime d’assistance, arrimé à un dispositif actif d’aide au retour à l’emploi.

Sur la base du diagnostic réalisé et en considérant le contexte économique et social que connait notre pays actuellement du fait des répercussions de la crise de la Covid-19, il est recommandé l’instauration d’un régime assurantiel qui comprend deux dispositifs, à savoir :

Un régime d’assurance chômage pour les travailleurs salariés, qui permettrait de dépasser les limites actuelles de l’IPE à travers :

La réduction du nombre minimum de jours de cotisation requis, à travers le choix d’une période adaptée aux caractéristiques du marché de l’emploi de notre pays ;

 L’augmentation du plafond de l’indemnité en le portant à un multiple du SMIG (4 à 5 fois le SMIG) ; 

L’extension de la durée des prestations de manière proportionnelle à la durée cotisée ;

L’élargissement du financement par la rationalisation et le recentrage des ressources et des produits financiers disponibles, sans alourdissement des charges pesant sur les entreprises et sur les travailleurs ;

La simplification des procédures administratives ;

L’extension, de manière progressive, des conditions d’éligibilité.

Un régime d’assurance chômage pour les travailleurs non-salariés. Cette proposition qui interviendrait de manière graduelle, doit faire l’objet d’un débat et d’une concertation entre les parties concernées de manière à tenir compte des spécificités des différents métiers et implique de définir préalablement ce que constituerait la cessation d’activité pour ces catégories de travailleurs. 

Il est aussi recommandé d’associer à ce régime assurantiel deux mesures importantes d’accompagnement, à savoir :

Un régime assistanciel qui couvrirait les travailleurs ayant perdu leur emploi et ne remplissant pas les conditions d’éligibilité à l’assurance chômage ou les personnes en fin de droit ;

Un dispositif actif d’aide au retour à l’emploi qui, en impliquant l’intervention obligatoire et formalisée de l’ANAPEC et de l’OFPPT, doit fait partie intégrante de ce nouveau système de manière à favoriser une réinsertion rapide au marché du travail.