Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, analyse, de manière circonstanciée et objective, l’état actuel du système des urgences médicales dans notre pays. Le Conseil qui accorde, de plus en plus, une attention particulière à des thématiques intrinsèquement liées au bien-être des citoyen(e)s, propose des recommandations à même d’améliorer la prise en charge des urgences médicales pour préserver et sauver des vies humaines et contribuer à assurer des soins de qualité pour tous. Cet avis a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue le 30 mars 2023.
Le présent avis du CESE analyse, de manière circonstanciée et objective, l’état actuel du système des urgences médicales dans notre pays. Le Conseil qui accorde, de plus en plus, une attention particulière à des thématiques intrinsèquement liées au bien-être des citoyen(e)s, propose des recommandations à même d’améliorer la prise en charge des urgences médicales pour préserver et sauver des vies humaines et contribuer à assurer des soins de qualité pour tous.
La filière de prise en charge des urgences médicales est une composante essentielle de tout système de santé avec comme finalité ultime la sauvegarde du droit à la vie. La qualité de cette prise en charge constitue également une exigence cruciale pour organiser, comme l’ambitionne notre pays, des évènements de portée internationale, stimuler le développement du secteur touristique, attirer les investissements étrangers, etc.
En dépit des efforts déployés par notre pays durant ces 20 dernières années (création d’une spécialité de médecine d’urgence, restructuration des services d’urgence en réseaux, mise en place du SAMU–service d’aide médicale d’urgence, etc.), la qualité de prise en charge des urgences médicales reste bien en-deçà des attentes des citoyens et des standards internationaux. Divers déficits et fragilités ayant trait notamment au système de gouvernance d’ensemble de la filière des urgences médicales ont été relevés, parmi lesquels il convient de souligner :
- Des insuffisances en matière de régulation médicale, mission assignée depuis 2011 au SAMU. Elle consiste à assurer une permanence de l’écoute médicale, orienter le patient, initier l’intervention la plus appropriée et coordonner, le cas échéant, le transport vers une structure de soins. Il demeure que ce dispositif est encore peu connu, non-encore déployé à ce jour dans trois régions, limité en capacités humaines et logistiques et acheminant exclusivement les patients vers les structures relevant de la santé publique.
- Des carences patentes au niveau du transport sanitaire public et privé pouvant parfois aggraver l’état de la personne secourue. De surcroît, le ramassage des accidentés de la voie publique est réservé, en vertu d’une circulaire ministérielle datant de 1956, exclusivement aux services relevant de la protection civile. Il n’est ainsi pas permis, selon cette règlementation, aux ambulances du SMUR (structure mobile d’urgence et de réanimation) d’intervenir sachant qu’elles sont les mieux outillées pour le transport en particulier des polytraumatisés.
- Une coordination très limitée et non-systématisée entre les services de la protection civile, les CHU et hôpitaux provinciaux, les cliniques privées et les collectivités territoriales, notamment en matière de prise en charge pré-hospitalière.
- L’absence de normes opposables aux secteurs public et privé concernant l’organisation des services hospitaliers d’urgence, les bâtiments, les équipements,
- La sur-sollicitation des services d’urgence dans le secteur public résultant de divers dysfonctionnements tels que l’insuffisance de coordination dans les parcours de soins, la prédominance des urgences ressenties (64% des cas),
- La pénurie en personnel médical ou paramédical qualifié et spécialisé (seuls 29 médecins spécialistes formés dans cette discipline depuis sa création). Il est fréquemment constaté que les services d’accueil des urgences sont gérés par un personnel non-qualifié et/ou en cours de formation (médecins internes).
- Le manque d’information et de formation du citoyen quant aux gestes de premiers secours ainsi que sur les équipements et accessoires de premiers soins (armoires à pharmacie, trousses de secours, défibrillateurs, etc.).
Partant de ce diagnostic, le CESE préconise une série de recommandations pour disposer d’une filière de prise en charge des urgences médicales garantissant des soins sûrs, dispensés de manière opportune, efficace, efficiente, équitable et centrée sur le patient, conformément aux six critères qualitatifs de l’OMS. Parmi ces recommandations, il est permis de mettre en exergue les plus importantes, à savoir :
- Renforcer la coopération et la contractualisation entre le SAMU, la protection civile, les CHU et hôpitaux provinciaux, les cliniques privées et les collectivités territoriales en matière d’organisation du ramassage, de transport, de formation, de simulations de catastrophes, d’élaboration et de mise en œuvre de projets d’infrastructures de secours.
- Doter le SAMU de moyens logistiques, humains et financiers, étendre sa mission et son champ d’intervention pour inclure les secours sur la voie publique, en étroite coordination avec la protection civile, et rendre possible le transfert des patients vers les établissements du secteur privé. Le SAMU devrait constituer l’interlocuteur unique de toute personne en situation d’urgence médicale pour l’orienter vers le circuit médical, public ou privé, le plus proche et le mieux adapté.
- Exploiter pleinement le potentiel actuel des outils numériques dans la régulation et l’organisation de la prise en charge médicale des urgences (télé-consultation, télé-conseil, ).
- Mettre en place une règlementation spécifique en vue de structurer le secteur du transport sanitaire et inciter les ambulanciers à se regrouper en coopératives de petites entreprises privées et favoriser leur développement en moyennes et grandes entreprises.
- Élaborer des cahiers de charges qui constitueraient un référentiel normatif opposable aux secteurs public et privé concernant les bâtiments, les équipements, les personnels et l’organisation des services hospitaliers d’urgence.
- Assurer une prise en charge du transport sanitaire privé par l’AMO et élargir le mode « tiers-payant » aux soins ambulatoires de manière à éviter à l’assuré d’avancer la totalité des frais y afférents.
- Développer et valoriser les ressources humaines affectées aux services d’urgence à travers notamment, la promotion de la formation spécialisée en urgentologie et la reconnaissance de la pénibilité du travail, en veillant à mettre en place des leviers de motivation (revalorisations salariales, indemnisations spéciales, ).
- Imposer aux administrations et aux établissements accueillant du public l’obligation de mise en place des équipements de premiers secours, notamment les défibrillateurs, en s’assurant que des personnes bien identifiées soient formées à l’utilisation adéquate, en cas d’urgence, desdits équipements.
- Informer, sensibiliser et former la population sur une conduite standardisée et systématique à tenir en cas d’urgence et sur les gestes de premiers secours.
Cet avis a fait l’objet d’une consultation auprès des citoyennes et citoyens via la plateforme numérique du CESE « ouchariko.ma »
Cet avis, élaboré sur la base d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes, est le résultat d’un large débat entre les différentes catégories qui composent le Conseil. Il s’est enrichi également par les résultats et enseignements de la consultation citoyenne lancée à ce sujet. Le nombre d’interaction a atteint 79 233 dont 621 répondants à la consultation lancées sur la plateforme digitale « Ouchariko ». Les principaux résultats de la consultation font ressortir que :
– Presque tous les répondants (93%) ont eu recours au système de prise en charge des urgences médicales.
– Seuls 20% des répondants indiquent le SAMU comme service à contacter pour une urgence médicale.
– La majorité des répondants (88%) ont utilisé un moyen de transport personnel (voiture ou transport public) pour se rendre à l’hôpital en cas d’urgence. Seuls 22% ont utilisé une ambulance. Parmi ces derniers, 78% ont utilisé une ambulance relevant du secteur public et 80% d’entre eux ont rapporté que l’ambulance était non-médicalisée.
– Concernant l’attente aux services des urgences, la prise en charge a été immédiate pour 12% des répondants. Dans plus de la moitié des cas la prise en charge a été opérée dans l’heure qui suit. L’attente a pu toutefois dépasser les 4 heures dans 12% des cas.
– Les répondants expriment une insatisfaction majeure envers le système d’urgence. A ce titre, ils indiquent avoir été confronté à un manque de médicaments ou de fourniture médicale (82%), une panne de matériel médical (81%) et une absence de médecin (74%).
– Les participants ont également signalé des problèmes de corruption et de discrimination (58% en fonction de la condition sociale des patients admis).