CESE

Avis et rapports, Saisines

Bilan des programmes publics destinés aux jeunes durant la période 2016-2021

La jeunesse marocaine constitue un véritable potentiel de création de richesse, pour peu que le défi de l’aubaine démographique soit valablement relevé pour faire de cette jeunesse un acteur essentiel de développement économique et social. 

A cet effet, le CESE prône ainsi l’adoption et la mise en œuvre d’une politique nationale publique destinée à la jeunesse intégrée, articulée, chiffrée et appuyée sur des outils de suivi/évaluation. 

Synthèse

Le CESE a reçu le 18 février 2022 une saisine de la Chambre des conseillers aux fins d’élaborer une étude sur « l’évaluation des programmes publics destinés aux jeunes durant le mandat gouvernemental 2016-2021 ». Elle vient en complément substantiel de l’étude réalisée en 2018 par le CESE à la suite d’une saisine émanant également de la deuxième Chambre sur « une nouvelle initiative nationale intégrée pour la jeunesse marocaine ».
Cette étude a été adoptée à la majorité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue le 28 juillet 2022.

La jeunesse marocaine constitue un véritable potentiel de création de richesse, pour peu que le défi de l’aubaine démographique soit valablement relevé pour faire de cette jeunesse un acteur essentiel de développement économique et social. Les différents programmes, mesures et initiatives qui ont tenté de cibler cette catégorie ont, certes, permis d’améliorer la situation de plusieurs jeunes marocains en leur ouvrant de nouvelles perspectives, mais ils demeurent, à l’épreuve, peu impactants et de faible portée.

Sur la période sous revue (2016 -2021), le CESE a relevé qu’en l’absence d’une politique spécifique ciblant la jeunesse, la juxtaposition de programmes insuffisamment adaptés n’a pas permis de répondre efficacement aux besoins et attentes différenciés de cette catégorie. De surcroît, les programmes à caractère transversal ne comportent pas d’indicateurs spécifiques permettant de mesurer leur impact sur la vie politique, économique, sociale et culturelle des jeunes.

Pour réaliser l’étude, le CESE s’est appuyé sur cinq axes complémentaires issus du référentiel de la Charte sociale de l’institution. Ce référentiel est basé sur les droits fondamentaux reconnus par la Constitution et les conventions internationales des droits humains dûment ratifiées par le Maroc. Il s’agit en l’occurrence (i) de l’éducation et la formation ; (ii) du développement culturel, de l’accès aux activités sportives et aux loisirs ; (iii) de l’accès aux services de santé ; (iv) de l’inclusion économique et l’accès à l’emploi et (v) de la participation citoyenne.

S’agissant des programmes relevant de l’éducation-formation, il ressort qu’en dépit des efforts consentis en matière de généralisation de l’enseignement, le système éducatif et de formation ne parvient pas à juguler le phénomène d’abandon scolaire et de marginalisation des jeunes.

Le triptyque développement culturel, sports et loisirs censé, quant à lui, renforcer la créativité, l’innovation, l’épanouissement et le bien-être de la jeunesse est manifestement peu valorisé et ne dispose pas des ressources financières et humaines nécessaires, à même d’offrir des espaces, des équipements et un encadrement adéquats.

Les programmes publics destinés à la promotion de l’emploi des jeunes durant la période 2016-2021 ont certes, permis d’intégrer une proportion assez significative de jeunes dans le marché du travail, mais le bilan reste bien en-deçà de l’ampleur du défi et interpelle les modes d’élaboration desdits programmes, les ressources humaines et financières déployées, ainsi que les outils et mécanismes de suivi et d’évaluation mis en place. A cela s’ajoute la non-inclusion d’une large frange des jeunes (non-diplômés, jeunes en situation précaire, jeunes ruraux, etc.).

En matière de santé, les programmes publics destinés aux jeunes, en dépit d’avancées notables, sont inégalement répartis entre les catégories de jeunes, les lieux de résidence et les territoires.

Enfin, en matière de participation citoyenne, le retard dans la mise en place d’un certain nombre de mécanismes et d’institutions, prévus par la Constitution de 2011 (notamment le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative) et le dispositif législatif en vigueur (lois organiques relatives aux collectivités territoriales), ne favorisent pas une implication effective des jeunes marocains dans la vie publique.

Sur la base de ce diagnostic partagé, le CESE considère que le Maroc ne pourra pas atteindre le nouveau palier de développement escompté s’il n’œuvre pas à la qualification, la valorisation, et l’implication de sa jeunesse. Le CESE prône ainsi l’adoption et la mise en œuvre d’une politique nationale publique destinée à la jeunesse intégrée, articulée, chiffrée et appuyée sur des outils de suivi/évaluation. A cet égard, le Conseil recommande de :

Au plan de la gouvernance d’ensemble :

Décliner la politique intégrée de la jeunesse en programmes sectoriels dotés des moyens nécessaires, adossés à des indicateurs pertinents et précis, régulièrement suivis et évalués ;

Intégrer dans lesdits programmes les besoins et attentes des différentes catégories de jeunes (jeunes actifs occupés, étudiants, jeunes femmes au foyer, jeunes NEET, jeunes en situation de handicap, etc.) ;

Instituer, auprès du Chef du Gouvernement, un organe de pilotage de haut niveau dédié aux jeunes, qui opérerait comme une plateforme de gouvernance stratégique, de concertation et de suivi/évaluation des programmes destinés à cette catégorie ;

Renforcer la participation des jeunes dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et programmes publics, notamment à travers les instances représentatives et les mécanismes de démocratie participative prévus par la Constitution et la législation en vigueur ;

Accélérer la mise en place du Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative en tant qu’organisme participatif et indépendant, en mesure de porter la voix des jeunes.
A un niveau sectoriel :

Renforcer l’offre de soins pour les jeunes en mettant en place un centre médico-universitaire par ville universitaire, et en introduisant un paquet minimum de soins pour les adolescents et les jeunes au sein des établissements de soins de santé primaire ;

Mettre en place, dans toutes les régions, des plateformes digitales dédiées aux jeunes et appuyées par l’ensemble des acteurs (banques, acteurs privés, CRI, CGEM régionales, INDH et conseils régionaux), qui serviraient d’outil pour identifier et recenser des banques de projets et pour consolider les informations sur le foncier, les programmes d’appui publics et privés, les offres de stages et d’accompagnement, ;

Mettre en place des dispositions encourageant l’accès aux marchés publics des jeunes entrepreneurs ;

Offrir aux jeunes des avantages préférentiels pour accéder à des prestations spécifiques, notamment en matière de transport, de tourisme et d’accès aux réseaux numériques et aux activités culturelles, ludiques et sportives.

Cette étude, élaborée sur la base d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes, est le résultat d’un large débat entre les différentes catégories qui composent le Conseil ainsi que des auditions organisées avec les principaux acteurs concernés. Elle s’est enrichie également par les résultats de la consultation lancée à ce sujet sur la plateforme digitale de participation citoyenne « Ouchariko ». Le nombre d’interaction avec le sujet est estimé à 27881 dont 432 participants au sondage. Ces interactions font ressortir globalement les résultats suivants :

Concernant la communication qui marque les programmes publics destinés aux jeunes, plus des trois quart des participants ont déclaré être peu ou pas informés sur ces programmes, tandis qu’environ 4% seulement s’estime être bien informée.

5% des participants ont déclaré n’avoir jamais bénéficié de l’un des programmes destinés aux jeunes ;

Presque la moitié des participants au sondage considèrent que ces programmes destinés aux jeunes sont non-performants, 44% les trouvent moyennement performants et à peine 6.8% les estiment performants.

Le sondage confirme la primauté des questions de la formation (80.8%) et de l’inclusion économique des jeunes dans le marché du travail (76.6%), lesquelles doivent être adressées, selon les participants, en priorité par les programmes publics. Les thèmes de la culture (50%), du sport et des loisirs (48.3%) et la santé (45.3%) occupent une importance primordiale que ces programmes doivent davantage prendre en considération. Par ailleurs, pour 12.7% des participants, les programmes destinés aux jeunes devraient s’atteler à des thématiques cruciales telles que l’environnement, la recherche scientifique, la citoyenneté, l’éducation financière et l’économie sociale et solidaire.

Quant aux mesures à même d’assurer la réussite des programmes publics destinés aux jeunes, les participants au sondage placent en tête de liste la nécessité de faire participer les jeunes à l’élaboration des programmes (69.90%), puis l’amélioration de l’ensemble de l’écosystème (64.3%) et de la proximité dans l’accompagnement des jeunes (63.4%), La communication autour de l’offre des programmes et autour de leurs résultats est réclamée respectivement par 57 %et 58,6% des répondants. Une meilleure cohérence et visibilité des interventions publiques en faveur des jeunes suppose selon les participants une plus grande complémentarité et cohérence entre les programmes (51,15%) ainsi qu’une évaluation à laquelle doivent participer les jeunes (57%). Enfin, selon 8% des répondants, une bonne implémentation desdits programmes, passe par une meilleure transparence dans leur gestion, une bonne gouvernance, l’implication de la société civile et la promotion des « success stories».

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Badreddine Baazy
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