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Les impacts sanitaires, économiques et sociaux de la pandémie de la « Covid-19 » et leviers d’actions envisageables

Les Impacts Sanitaires, Économiques Et Sociaux De La Pandémie De La « Covid-19 » Et Leviers D’actions Envisageables

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L’étude du Conseil Economique, Social et Environnemental sur «les impacts sanitaires, économiques et sociaux de la pandémie de la «Covid-19» et leviers d’actions envisageables», fait suite à une saisine émanant du président de la Chambre des représentants.

Synthèse

L’étude du Conseil Economique, Social et Environnemental sur «les impacts sanitaires, économiques et sociaux de la pandémie de la «Covid-19» et leviers d’actions envisageables», fait suite à une saisine émanant du président de la Chambre des représentants. Elle a été adoptée à la majorité par l’Assemblée Générale du Conseil Economique, Social et Environnemental, lors d’une assemblée extraordinaire, tenue le 22 octobre 2020.

S’étant propagée à tous les pays, la pandémie de la Covid-19 a mis les décideurs publics devant un dilemme, en les acculant à arbitrer entre d’une part, l’imposition d’un confinement strict pour préserver la santé des citoyens et d’autre part, la mise en œuvre de règles sanitaires moins contraignantes en vue de favoriser l’activité économique. Quel que fût le choix, toutes les économies ont dû subir de lourds impacts. Cette détérioration des conditions économiques n’a pas manqué d’accentuer les inégalités et les vulnérabilités des populations. En outre, les mesures restrictives adoptées en vue de faire face à la propagation de la pandémie ont restreint les déplacements des personnes, en même temps que leur accès aux soins, au travail, à l’éducation, à la culture et aux loisirs.

Notre pays n’a pas dérogé à cette règle. Ainsi, depuis la détection du premier cas importé de Covid-19 le 2 mars 2020, et tenant compte des développements rapides intervenant à l’échelle mondiale, le Maroc a graduellement mis en place un ensemble de mesures en mobilisant ses structures, tant au niveau central que local. Cette dynamique a culminé avec l’adoption le 20 mars de l’état d’urgence sanitaire sous la forme d’un confinement strict.

Dans ce cadre, un ensemble de dispositions législatives et règlementaires exceptionnelles ont été promulguées. La réponse sanitaire s’est manifestée par une mise à niveau des établissements hospitaliers, qui s’est accompagnée d’une participation active de la médecine militaire, sans toutefois impliquer significativement le secteur privé dans ces efforts de lutte contre la pandémie. La fermeture des établissements scolaires, annoncée le 13 mars 2020, a conduit à la mise en place d’un dispositif d’urgence pour assurer la continuité pédagogique à distance durant la période du confinement.

Bien que les autorités marocaines aient fait preuve d’une grande réactivité au début de la crise, il n’en demeure pas moins que depuis l’annonce du deuxième prolongement du confinement, une forme de ressentiment, nourri d’un manque de visibilité, semble s’être installée chez les citoyens et les différents acteurs économiques.

Selon l’étude du CESE, plusieurs chiffres illustrent la gravité des impacts de la pandémie : (i) une contraction historique de la croissance économique estimée à une proportion comprise entre -5,8% (HCP et MEFRA) et -7% (FMI) pour l’année en cours ; (ii) 958 000 salariés ont déclaré être en arrêt de travail dans le secteur formel, bénéficiant ainsi de l’indemnité Covid (ce nombre est de 598 000 à fin juin) ; (iii) près de 134 000 entreprises sur les 216 000 affiliées à la CNSS avaient déclaré être impactées par la crise de la Covid-19 à fin mai 2020 ; (iv) 5,5 millions de ménages vivant du secteur informel ont perçu les aides octroyées dans le cadre de l’opération « Tadamon».

Il est à mentionner que l’impact économique sur les différents secteurs d’activité est façonné par plusieurs facteurs, comme la nature du marché (domestique ou extérieur), la nature du produit (de première nécessité vs autres produits), la sévérité des règles sanitaires appliquées ou les habitudes de consommation (exemple du tourisme). Certains secteurs ont ainsi pu résister au choc, à l’instar de l’industrie extractive et celle des dérivés des phosphates, l’industrie agroalimentaire, ainsi que les secteurs des activités financières et des télécoms.

Conjuguée aux restrictions qui n’ont pas facilité l’accès aux services de base, notamment pour les catégories les plus vulnérables, et à la faiblesse des filets de protection sociale, la baisse de revenu ainsi relevée a contribué à accroître les inégalités déjà existantes, constituant donc un facteur potentiel de basculement de certaines franges de la population dans la pauvreté. De même, dans le cas du secteur de l’éducation où une certaine forme de continuité pédagogique a pu, plus ou moins, être maintenue, l’impact de la fracture numérique entre le milieu urbain et rural, et surtout entre les familles aisées et les familles démunies, a altéré le levier classique d’ascension sociale en compromettant l’accès égalitaire au droit à l’éducation.

L’étude relève que les répercussions de la crise n’auraient pas été aussi sévères sans les déficiences structurelles qui caractérisent en particulier le système de santé, le système d’éducation et la protection sociale. Au plan économique, la persistance de la sous-capitalisation de la majorité des entreprises a augmenté leur vulnérabilité aux chocs majeurs, alors que certains choix de politiques industrielles, et en dépit de leurs retombées positives, ont exposé davantage le tissu productif aux retournements conjoncturels extérieurs et aux perturbations des chaines de valeur mondiales.

Néanmoins, la crise de la Covid-19 a révélé plusieurs atouts qui s’étaient manifestés à travers, notamment, la réactivité et la mobilisation des autorités, la capacité d’adaptation et d’agilité de certains secteurs productifs, la solidarité affichée par les citoyens et la revitalisation du processus de transformation digitale dans notre pays.

Par ailleurs, la levée progressive du confinement, en particulier à partir du 19 juillet 2020 (3ème phase du déconfinement), a contribué à la recrudescence du nombre de cas de Covid-19 et une dégradation des indicateurs de la pandémie.

Sur Hautes instructions Royales, le « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus « Covid-19» » a été créé en vue de pallier les carences structurelles de notre système de santé, lequel a connu une mobilisation quasi-exclusive pour la lutte contre la pandémie. Ce fonds spécial a également été mobilisé pour réduire l’impact immédiat du confinement sur les ménages et apporter un soutien ponctuel aux entreprises. La pérennité des entreprises marocaines demeure par ailleurs essentiellement dépendante de la mise en œuvre du plan de relance de 120 milliards de Dirhams (11% du PIB), annoncé par Votre Majesté, le 29 juillet dernier.

S’agissant de la continuité pédagogique du système éducatif, l’étude souligne que le bilan de l’enseignement à distance est plutôt mitigé au regard de plusieurs facteurs objectifs (qualité de l’offre pédagogique, disponibilités des moyens numériques, implication des parents, conditions sociales, etc.).

La dynamique impulsée par la nécessité de faire face à la crise Covid-19 et ses impacts négatifs, doit marquer le début d’une transformation profonde du pays en s’appuyant sur les Hautes orientations royales et sur la Constitution. Le CESE considère, à cet égard, que l’ambition exprimée dans son rapport sur le nouveau modèle de développement est toujours d’actualité. Cette ambition doit, toutefois, prendre en compte une exigence majeure, à savoir la résilience systémique.

Ainsi, l’ambition qui doit être visée consiste à «construire un modèle de développement dynamique qui assure une croissance forte, inclusive et durable, garantit l’égalité des chances, favorise l’épanouissement de l’individu et renforce ses capacités au sein d’une société prospère, solidaire et résiliente, centrée sur le citoyen».

Pour la concrétisation de cette ambition, le CESE propose les inflexions majeures pour réussir la sortie de crise et favoriser une mise en œuvre optimale du nouveau modèle de développement. Organisées en 7 axes distincts, les 149 recommandations retenues par le Conseil visent principalement à renforcer la capacité de notre pays à anticiper les changements et à s’y adapter en toute agilité.

Vivre avec la Covid-19 : entre les impératifs de l’urgence et la nécessité d’adaptation

Le premier axe se rapporte aux mesures à introduire rapidement pour permettre de vivre avec la Covid-19 ; un objectif atteignable sous réserve de faire évoluer les mentalités en capitalisant sur les éléments favorables induits par la crise. Il s’agit ainsi de mesures qui visent la refonte des secteurs sociaux de base (santé et éducation), la reconfiguration des procédés et relations de travail (secteurs public et privé) et l’adoption d’une approche active et participative dans la gestion des risques, tout en consacrant les fondements de l’Etat de droit.

Renforcer les trois missions fondamentales de l’Etat et réorienter les politiques publiques pour un Maroc plus inclusif et plus résilient

Les effets des mesures de lutte contre la pandémie laissent entrevoir un nouveau rôle pour l’Etat dans la sphère publique, en lien avec la mise en avant des faiblesses du modèle néolibéral et individualiste qui prône un Etat minimal, la suprématie des marchés et une réduction au minimum des dépenses publiques sociales, y compris dans des secteurs vitaux comme la santé, l’éducation et la protection sociale. La crise sanitaire de 2020 est en effet venue réitérer les appels pour un retour d’un Etat-Providence rénové sur le plan social mettant le citoyen au centre de ses préoccupations et prônant des politiques « keynésiennes » plus ambitieuses sur le plan économique.

Les recommandations de cet axe portent spécifiquement sur les inflexions majeures à opérer pour adapter le rôle de l’Etat aux nouvelles exigences du monde Post-Covid, permettant ainsi de réorienter les choix de politiques publiques et l’approche de gouvernance. Cette revue du rôle de l’Etat est considérée à travers le renforcement de trois missions principales : un Etat assureur systémique en temps de crise, un état social au service du citoyen et un Etat-stratège doté d’une vision de long-terme.

Passer d’un système de soins à un système de santé

La pandémie aura fait prendre conscience que la refonte du système de santé est plus que jamais un enjeu majeur de cohésion, de justice et de paix sociale, qui devrait induire une véritable volonté de changement politique et l’élaboration d’un cadre d’action clair et ambitieux. A ce stade, il devient urgent pour le Maroc de développer un système de santé national qui garantisse la qualité et l’efficacité de l’offre de soins de santé, l’accès équitable aux soins et l’efficience de l’offre et la viabilité financière à plus long terme.

Cet axe porte sur les réformes structurelles nécessaires à l’émergence d’un véritable système de santé, partant de la vision et la volonté politique jusqu’à la question de la santé et de la sécurité, en passant par la gouvernance, les ressources humaines et le financement. In fine, le nouveau système auquel appelle le CESE doit assurer l’effectivité d’une médecine préventive efficace et garantir une offre de soins de santé de qualité, couvrant l’ensemble du territoire et accessible à tous les citoyens, sans distinction.

Mettre en place un système de protection sociale généralisée et des stratégies innovantes pour réduire l’informel

La crise de la Covid-19 n’a fait que confirmer le niveau élevé de vulnérabilité de larges franges de la population exerçant dans des métiers faiblement organisés ou dans l’informel. L’urgence de remédier à cette carence structurelle n’est plus à démontrer, Cette situation nécessite de mener un certain nombre d’actions et de réformes pour renforcer et étendre aussi bien le dispositif de filets sociaux, que la couverture maladie, dans le sens d’une universalisation des systèmes.

Le présent axe traite tout autant, des réformes nécessaires pour assurer une protection sociale universelle qui profite de manière équitable et soutenable à tous, avec pour principes la viabilité et la convergence des régimes, que des leviers à envisager pour intégrer et restructurer les activités vulnérables et informelles.

Relancer l’économie à court terme tout en renforçant sa résilience à moyen terme face aux éventuels chocs futurs

La nature même du choc Covid renvoie donc à la nécessité pour les pouvoirs publics de continuer à agir simultanément sur l’offre et la demande, mais aussi sur le niveau d’incertitude qui impacte fortement la formation des anticipations des agents.

Le cinquième axe traite des inflexions majeures à opérer, en matière de politiques économiques (monétaire, fiscale, budgétaire, commerciale, industrielleetc.) pour (i) la sauvegarde de l’activité et des emplois, (ii) l’amélioration de la résilience et de la compétitivité des entreprises nationales, (iii) et l’insertion de l’économie informelle pour une croissance plus inclusive.

Deux temporalités distinctes sont considérées avec, chacune, des objectifs spécifiques : le court-terme pour une relance vigoureuse de l’activité économique et une reprise de l’emploi; le moyen/long terme pour accroitre la résilience face aux chocs futurs et le caractère inclusif de l’économie, à travers une révision globale des priorités des politiques économiques du pays.

Développer les secteurs stratégiques pour renforcer la souveraineté du pays

Partant de l’hypothèse que les crises majeures peuvent devenir de plus en plus fréquentes, avec des risques plus importants en termes de perturbation des approvisionnements sur les marchés mondiaux, le Maroc est appelé à renforcer son positionnement sur un certain nombre de secteurs vitaux.

Les recommandations de ce sixième axe portent sur les secteurs stratégiques révélés par la crise Covid-19, et dont le développement doit être maitrisé par notre pays afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’étranger et accroître ainsi sa résilience. Parmi les domaines stratégiques à prioriser, il y a lieu de citer le développement d’une industrie pharmaceutique nationale, le renforcement de la souveraineté alimentaire, ainsi que le développement du secteur énergétique et de l’écosystème de la R&D et de l’innovation.

Mettre en place une politique nationale intégrée et globale de transformation digitale

Le recours aux technologies digitales a connu un essor remarquable durant la crise de la Covid-19. La crise a accentué en revanche la fracture numérique. Le septième et dernier axe porte ainsi sur le digital, levier transversal vital qui permet d’améliorer la performance dans des domaines stratégiques, notamment dans les services publics, les services sociaux de base et l’économie. Les recommandations associées à cet axe couvrent également la vision, la stratégie à suivre, ainsi que les voies pour élever le digital au rang de droit fondamental, avec pour finalité un accès au numérique pour tous et partout.

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