CESE

Rapport annuel

Rapport Annuel 2017

Rapport Annuel 2017
Synthèse Du Rapport Annuel 2017
Focus Du Rapport Annuel 2017

Conformément à la loi organique régissant le Conseil Economique Social et Environnemental, le rapport du Conseil comporte une analyse de la situation économique, sociale et environnementale de notre pays ainsi qu’une présentation des activités du Conseil pour l’année 2017.

Synthèse

Ce rapport comporte l’analyse de la situation économique, sociale et environnementale de notre pays ainsi qu’une revue de l’activité du Conseil au cours de cet exercice.

De nombreux évènements majeurs ont caractérisé l’année 2017. Sur le plan régional, et consécutivement à sa réintégration à l’Union Africaine en début d’année, le Maroc a consolidé son engagement envers le continent africain, en présentant officiellement sa demande d’adhésion à la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Au niveau national, cette année a été marquée par le retard accusé dans le processus de formation du Gouvernement, l’adoption tardive de la loi de finances, ainsi qu’un climat social tendu reflété par les manifestations qui ont eu lieu dans certaines zones du pays. S’agissant du contexte économique, l’activité économique en 2017 a enregistré un rebond significatif par rapport aux faibles performances de l’année passée. Néanmoins, cette amélioration demeure essentiellement conjoncturelle, étant donné que l’économie nationale continue de pâtir de nombreux déficits structurels qu’il convient de résorber.

Situation économique, sociale et environnementale 
Situation économique

Au niveau mondial, le mouvement de reprise de la croissance économique qui avait commencé vers la fin de 2016 a été confirmé dans plusieurs pays en 2017, avec une accélération légèrement plus apparente au niveau des pays avancés. Les principaux pays émergents, comme la Chine et l’Inde ont continué à afficher des taux de croissance élevés. Le Brésil et la Russie ont, pour leur part, renoué avec les taux de croissance positifs, confirmant ainsi leur sortie de la récession économique. Par ailleurs, et malgré les menaces persistantes du protectionnisme, le volume du commerce mondial a connu une certaine accélération en 2017. Quant au marché des matières premières, il y a lieu de signaler l’augmentation du cours du pétrole par rapport à l’année dernière sous l’effet, notamment, de la reconduction de l’offre de l’OPEP et d’une demande internationale plus élevée.

Concernant le volet régional, et plus particulièrement les relations entre le Royaume et le reste du continent africain, il importe de rappeler qu’à travers sa demande d’adhésion à la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Maroc a choisi d’œuvrer pour une approche gagnant-gagnant visant à exploiter les opportunités de partenariat et d’échange dans des secteurs d’ordre stratégique.

Au niveau national, la croissance économique a enregistré un rebond, en passant de 1,1% en 2016 à 4,1% en 2017 en raison, notamment, d’une bonne campagne agricole. En effet, la valeur ajoutée agricole a progressé de 15,4% contre une baisse de 13,7% un an auparavant, alors que le rythme de croissance non agricole est resté modeste, en dépit de son accélération de 2,2% à 2,7% d’une année à l’autre.

Néanmoins, au-delà de cette amélioration, essentiellement conjoncturelle, force est de constater que l’économie nationale a connu un essoufflement sur les sept dernières années, étant donné qu’elle n’a pas pu se maintenir à un niveau de croissance élevé. Cette situation suscite des questionnements par rapport au modèle de croissance actuel qui continue de souffrir de nombreuses défaillances qui entravent sa capacité de créer de la richesse. Ces déficits ont trait, notamment, au caractère dual de l’économie nationale où coexistent d’une part, quelques branches modernes dynamiques et intégrées aux chaines de valeurs mondiales et, d’autre part, des branches à faible valeur ajoutée, ainsi que des activités informelles.

Les limites du modèle de croissance actuel sont perceptibles également au niveau de l’investissement qui, tout en demeurant élevé, affiche une faible efficacité, avec un ICOR se situant à 8,5. Ce constat renvoie à la nécessité de promouvoir davantage l’investissement dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée et ceux disposant d’effets d’entrainement plus importants sur le reste des branches de l’économie nationale. Dans ce contexte, le Conseil appelle aussi à la mise en place d’une entité indépendante, chargée de l’évaluation Ex-ante et Ex-post des politiques et des investissements publics.

S’agissant des échanges extérieurs, l’année 2017 a été caractérisée par une hausse généralisée des exportations avec un léger creusement du déficit commercial à 188,8 Mds de dirhams. La plupart des métiers mondiaux ont fait preuve d’un dynamisme significatif, en particulier l’automobile. Toutefois, d’autres secteurs comme l’électronique et l’industrie pharmaceutique peinent à atteindre une taille critique qui leur permettrait de contribuer significativement à l’amélioration du solde commercial. Sur ce point, il convient de souligner qu’en dépit des différentes mesures incitatives à l’export engagées, la contribution des échanges extérieurs à la croissance du PIB demeure limitée, quoiqu’elle ait connu une très légère amélioration en 2017. Cette situation reflète, également, la faible orientation des entreprises marocaines à l’exportation, en particulier les TPME, avec à peine 6324 entreprises ayant pu exporter en 2017.

En matière de structure des exportations par produit, il y a lieu de souligner que des progrès ont été réalisés au niveau du contenu technologique des exportations, avec une amélioration de la part des produits à technologie intermédiaire.

Par ailleurs, les exportations marocaines demeurent orientées globalement vers des zones géographiques à faible croissance économique, avec seulement 12,4% des exportations qui sont dirigées vers des économies affichant des taux de croissance supérieurs à 4,5%. Dans ce contexte, le Conseil souligne la nécessité d’accélérer les efforts pour une diversification géographique des exportations vers des partenaires potentiels plus dynamiques et disposant, en même temps, d’un marché de taille attractive. En outre, la promotion des exportations passe, notamment, par l’amélioration de la qualité de nos produits et de la compétitivité hors coût, ainsi qu’une meilleure adaptation de notre offre aux besoins et spécificités de chaque marché-cible.

Concernant le commerce extérieur entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, si le poids de cette région dans les échanges du Royaume demeure encore faible, il suit, néanmoins une tendance haussière quasi-continue depuis 2013 pour atteindre une part de 3% en 2017. Pour promouvoir le commerce Maroc-Afrique subsaharienne, il convient de multiplier les efforts pour (i) réduire mutuellement les barrières douanières qui demeurent très élevées, (ii) renforcer la connectivité logistique et sa qualité entre le Maroc et ses partenaires africains (iii) accélérer la sophistication de la structure des exportations du Maroc afin d’en accroitre le degré de complémentarité commerciale par rapport aux besoins en importation des pays d’Afrique subsaharienne.

Pour ce qui est de l’environnement des affaires en 2017, le Maroc a régressé d’une place aussi bien dans le classement de l’indice de compétitivité du Forum Economique Mondial (71e), que dans le classement de Doing Business (69e ). Cinq facteurs ressortent comme étant les principales entraves à l’amélioration de l’environnement des affaires au Maroc, à savoir la corruption, le manque d’efficience de l’Administration publique, l’accès au financement, la fiscalité, ainsi qu’une éducation inadéquate par rapport aux besoins du marché du travail. A ces éléments, s’ajoute également l’allongement des délais de paiement qui ont continué leur mouvement à la hausse pour atteindre 99 jours en moyenne en 2017, alors que les textes d’application de la loi sur les délais de paiement, adoptée en 2016, ne sont pas encore publiés. Dans ce contexte, le rythme de création d’entreprises a ralenti de 8,3% à 5,2% en 2017, tandis que les difficultés de survie des jeunes entreprises persistent vu que 37% des entreprises radiées en 2017 avaient moins de cinq ans et 69% avaient moins de 10 ans.

La persistance de ces facteurs de blocage remet en question l’efficacité des multiples réformes engagées jusqu’à présent et traduit la lenteur d’implémentation des politiques visant la promotion de l’environnement des affaires et l’amélioration du service public.

Par ailleurs, les performances du Maroc en matière d’innovation restent modestes, tel que cela ressort au niveau des classements internationaux et au regard du faible nombre de brevets déposés par les nationaux. En effet, l’innovation et le progrès technique sont encore loin de constituer une composante significative du modèle de croissance actuel, face à une efficacité très limitée des politiques publiques de promotion de l’innovation et de la R&D ». Cette situation renvoie à la nécessité de mettre l’accent sur, notamment, la gouvernance de l’écosystème de l’innovation, sur l’accès à des modes de financement adaptés, ainsi que sur une bonne exploitation des opportunités que peuvent offrir des partenariats entre le système d’éducation supérieur et de recherche et le secteur privé.

En ce qui concerne le financement de l’économie, le crédit bancaire a vu son rythme de croissance ralentir durant l’année 2017, malgré l’accélération des prêts accordés aux entreprises privées. Au niveau des indicateurs de performance du système bancaire, si dans l’ensemble ces derniers restent satisfaisants, il y a lieu de soulever que le ratio de créances en souffrance a légèrement augmenté durant l’année, que le niveau de concentration du secteur bancaire a continué à croitre et que l’expansion des banques de la place vers l’Afrique requiert davantage de vigilance en matière de suivi des risques liés à leur activité sur le continent, notamment la question de la solvabilité de la clientèle eu égard à la fragilité de la classe moyenne en Afrique.

L’année 2017 a également été marquée par l’introduction officielle de la finance participative au Maroc. Cette étape a été l’aboutissement d’un long processus d’adaptation réglementaire, notamment dans le cadre de la loi bancaire et via les différentes mesures visant à éliminer les frottements fiscaux. Néanmoins, si cette industrie est porteuse de nombreuses opportunités, le Conseil attire l’attention sur un certain nombre de défis à relever, afin de mettre en place l’ensemble des conditions pour la réussite de cette expérience au Maroc.

Sur le volet de la résilience économique, les réalisations durant l’année ont été mitigées. En termes de stabilité macroéconomique, l’année 2017 a été caractérisée, dans l’ensemble, par une poursuite des efforts d’amélioration des équilibres financiers publics, notamment, la baisse du déficit budgétaire à -3,6% et le ralentissement du rythme de progression de la dette du trésor qui s’est située à 65,1% du PIB. En revanche, la dette publique globale reste à un niveau élevé, soit 82% du PIB, nécessitant ainsi davantage de vigilance afin d’éviter toute atteinte à la soutenabilité budgétaire du pays et sa résilience macroéconomique.

Du côté des équilibres externes, une résorption du déficit du compte courant a été observée en 2017, celui-ci ayant reculé de 4,2% à 3,6% du PIB. En dépit de son atténuation, la persistance du solde du compte courant à des niveaux négatifs depuis 2007, pèse sur le degré de résilience de l’économie marocaine et renseigne sur le déséquilibre structurel entre l’épargne et l’investissement au Maroc.

Toujours au plan macroéconomique, l’année 2017 a été marquée par une accélération des préparatifs pour initier le passage vers un régime de change plus flexible. Cette transition a été amorcée en janvier 2018. Néanmoins, la migration vers un régime plus flexible requiert des mesures d’accompagnement et appelle à une plus grande prudence et réactivité en matière de suivi et de gestion des risques potentiels sur les plans économique et social.

Quant à la résilience économique des territoires, les protestations survenues dans certaines provinces du Royaume cette année comme à l’exemple de Jerada, en raison notamment, du manque d’opportunités en emplois décents et en sources de revenu stables, renseignent sur les limites des profils de développement dans certains territoires dépendant d’une seule ressource naturelle ou disposant d’une structure productive peu diversifiée. Cette situation appelle à la nécessité d’engager une véritable stratégie de diversification sectorielle et des opportunités d’emploi dans ces zones, tout en veillant à la valorisation des ressources et des potentialités locales. Il s’agit d’un aspect essentiel à la viabilité des territoires, dont devrait tenir compte les Programmes de Développement Régionaux (PDR), avec une implication effective de toutes les parties prenantes dans les phases de conception, de mise en œuvre et d’évaluation.

Concernant les aspects de l’inclusion économique, le marché du travail en 2017 a permis la création de 86 000 emplois nets, au lieu d’une perte de 37 000 emplois un an auparavant. A l’exception de l’agriculture, tous les autres grands secteurs ont connu des créations moins importantes qu’en 2016. Ces évolutions corroborent le constat que le modèle de croissance national s’avère de moins en moins inclusif par l’emploi, d’autant plus qu’une proportion importante des postes créés concerne des emplois faiblement qualifiés et précaires et par conséquent, ne peuvent constituer de véritables vecteurs d’ascension sociale. Dans ce contexte, le taux de chômage a atteint 10,2% à fin 2017 au lieu de 9,9% en 2016 et ce, malgré un recul du taux d’activité.

Par ailleurs, les jeunes continuent de pâtir de grandes difficultés en matière d’accès à l’emploi, leur taux de chômage représentant 2,6 fois la moyenne nationale et dépasse les 40% en milieu urbain. Cette situation renvoie, notamment, à l’impact limité des différents programmes d’insertion des jeunes et interpelle sur la nécessité d’une vision globale, intégrée et de long terme pour l’emploi des jeunes. Dans le même sens, la faiblesse de l’entrepreneuriat contribue à réduire le champ d’opportunités d’emploi pour les jeunes. En effet, les différentes entraves auxquelles font face les jeunes porteurs de projets font que le taux de création d’entreprises reste limité au Maroc, d’autant plus que la proportion d’individus appelés « entrepreneurs par nécessité » ayant opté pour l’entrepreneuriat comme dernier ressort en l’absence d’opportunités dans le salariat demeure significative au Maroc.

Quant à la branche de l’économie sociale et solidaire, souvent présentée comme l’une des solutions envisageables pour hisser le degré d’inclusion de l’économie, force est de constater que davantage d’effort reste à déployer dans ce domaine. En dépit de la mise en place de la stratégie nationale de l’économie sociale et solidaire sur la période 2010 – 2020 et à deux années de son échéance, le secteur ne contribue, actuellement, qu’à hauteur de 2% au PIB, loin de l’objectif de 3,9% prévu pour 2020 et n’emploie que 5,5% de la population active au lieu des 7,5% prévus. En outre, les réalisations du secteur montrent que son impact sur l’inclusion des diplômés et des femmes reste en deçà du potentiel puisqu’il n’emploie que 2% des diplômés, tandis que seulement 14,5% des coopératives sont féminines.

A l’issue du diagnostic de la situation économique du pays, le CESE s’est particulièrement intéressé aux moyens de « réussir le défi de l’industrialisation », et de « faire de l’entrepreneuriat l’un des principaux piliers de la stratégie de promotion de l’emploi des jeunes ».

En ce qui concerne l’industrialisation, et malgré les avancées réalisées, la valeur ajoutée industrielle ne contribue toujours pas assez à la croissance du PIB et les métiers mondiaux n’arrivent pas encore à créer suffisamment d’emplois décents pour compenser les filières en déclin. A cela s’ajoute, le fait que le Maroc est classé parmi les pays les moins préparés à la révolution industrielle 4.0. Face à cette situation, il est préconisé de :

Renforcer la gouvernance institutionnelle et le cadre de pilotage du processus d’industrialisation pour plus d’efficacité et de cohérence ;

Corriger les imperfections du marché tout en évitant de créer des situations de rente et ce, via le conditionnement des mesures incitatives par les résultats ;

Développer davantage les formes de financement adaptées aux industries à haute technologie et investissements innovants ;

Œuvrer pour une industrialisation durable en faveur d’une « usine verte » et renforcer le cadre incitatif pour les entreprises industrielles les plus respectueuses de l’environnement ;

Assurer la convergence entre les territoires en adoptant des modèles de « corridors industriels » et en encourageant une plus grande implication des régions ;

Assurer plus de coordination entre public, privé et les établissements de formation ;

Mettre en place un référentiel d’évaluation commun détaillé pour l’évaluation des grands projets d’investissements étrangers ;

Renforcer l’innovation et la R&D pour accroitre les chances du Maroc de se positionner dans les phases les plus valorisantes des chaines de valeurs ;

Mettre en place une politique rénovée et efficace de veille et d’intelligence économique ;

Garantir une industrialisation inclusive en adoptant une discrimination positive en faveur de l’emploi de catégories souffrant de discrimination.

S’agissant de l’insertion des jeunes par l’entrepreneuriat, nul n’est censé ignorer à l’heure actuelle que face à la montée quasi-continue du chômage des jeunes depuis 2004 et à l’incapacité de l’économie nationale à générer suffisamment d’emplois adaptés, la paix et la cohésion sociale du pays sont de plus en plus menacées. C’est dans ce contexte que le CESE a choisi l’axe de la promotion de l’entrepreneuriat comme une des voies à explorer pour renforcer l’insertion des jeunes dans la société. Pour ce faire, le Conseil propose de :

Tenir compte de l’hétérogénéité de la catégorie des jeunes lors de la conception des programmes d’emploi ;

Opter pour une approche décentralisée pour l’amélioration de l’environnement des affaires, via une meilleure implication des régions dans le développement de l’entrepreneuriat local ;

Promouvoir les règles d’une concurrence saine afin de réduire les barrières à l’entrée sur le marché des biens et services pour les jeunes entrepreneurs et porteurs de projets ;

Améliorer l’accès des jeunes aux formes de financement adaptées et renforcer les capacités des Fonds dédiés à l’entrepreneuriat innovant ;

Développer les compétences entrepreneuriales des jeunes à un âge précoce, au niveau du système éducatif ;

Eriger le profil d’entrepreneur en tant que modèle d’inspiration pour les jeunes dans la société, ce qui renvoie à la question de la stratégie de communication et le rôle des médias ;

Développer et améliorer l’accès à des services de mentorat et de coaching d’entreprise de qualité afin d’améliorer le taux de survie des jeunes entreprises.

Situation sociale

Sur le plan social, les déficits structurels continuent à peser sur les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle. Ainsi, la rentrée 2016/2017 a révélé plusieurs dysfonctionnements, notamment ceux relatifs au recrutement d’enseignants n’ayant pas une formation adaptée aux métiers de l’éducation et de la formation ainsi que la surcharge des classes. En outre, le développement des effectifs au sein de l’enseignement privé pose la question de la mixité sociale et interpelle sur la fracture sociale que peut engendrer un système d’enseignement à plusieurs vitesses et peut constituer une menace pour la cohésion sociale et une perte de confiance des citoyens dans la capacité à évoluer socialement à travers l’école.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, le secteur connait certes une hausse importante des effectifs inscrits, mais l’incidence du chômage parmi les lauréats de ce cycle reste élevée et dépasse celle des étudiants issus de l’enseignement généraliste. Cette situation renvoie au besoin de renforcer les mécanismes d’orientation et de mettre davantage l’accent sur la qualité que sur les capacités d’accueil.

Au niveau du secteur de la santé, la généralisation de la couverture médicale de base se poursuit, atteignant 60% de la population à fin 2017 selon le ministère de la santé, en lien notamment avec la poursuite de l’inscription des étudiants. Toutefois, et en dépit de l’adoption, en 2016, de la loi sur la couverture médicale pour les indépendants, celle-ci n’est pas entrée en vigueur en 2017. En outre, malgré l’avancée dans la généralisation de la couverture médicale de base, des dysfonctionnements liés au financement du dispositif et à la gouvernance du secteur sont à relever aussi bien pour l’AMO que pour le RAMED.

Ainsi, pour l’Assurance Maladie Obligatoire, le reste à charge des ménages connait depuis plusieurs années une hausse permanente, notamment dans le secteur privé. A cet égard, la révision et un contrôle renforcé des tarifs appliqués par le secteur s’imposent. S’agissant du RAMED, il a totalisé 11,7 millions de bénéficiaires à fin 2017, mais seulement 7,4 millions de personnes disposent de cartes actives, en raison d’un faible taux de renouvellement des cartes notamment parmi les populations vulnérables (31%). En outre, la généralisation du RAMED n’a pas été accompagnée par une hausse correspondante des financements et des ressources humaines du secteur de la santé publique pour leur permettre de répondre à la croissance des besoins en termes de soins.

Au niveau du logement, les indicateurs montrent un engouement pour le segment de l’habitat à 250.000 dhs et une faible adhésion au programme de logement à faible valeur immobilière, dont le prix est fixé à 140.000 dhs. Concernant le Programme « Villes sans bidonvilles » lancé en 2004, celui-ci a mené à l’éradication de ces habitations dans 58 villes à fin 2017. Cependant, il est nécessaire que la politique de l’habitat ne se limite pas uniquement à la construction de logements, mais devrait s’étendre à  une politique sociale intégrant l’emploi, l’éducation, la santé, la culture et la mobilité.

Pour ce qui est de l’égalité de genre et de la parité, il y a lieu de déplorer la prééminence de la pauvreté, du chômage et du faible taux d’activité parmi les femmes. Les indicateurs concernant les violences faites aux femmes, l’amélioration de leurs conditions de vie et leur autonomie économique demeurent à des niveaux préoccupants malgré les avancées institutionnelles et sociales réalisées et cela se reflète particulièrement au niveau de l’accès des femmes au marché du travail qui connait une baisse tendancielle, en dépit de la généralisation de l’éducation pour les filles et de leur accès, dans des proportions de plus en plus importantes, à l’enseignement supérieur.

S’agissant de la situation des catégories vulnérables, il convient de relever la nécessité de renforcer les mécanismes de lutte contre le travail des enfants et d’améliorer leur gouvernance. Parmi ces mécanismes, le programme « Tayssir », destiné à appuyer financièrement les familles pour lutter contre la déscolarisation des enfants, est confronté à plusieurs difficultés relatives notamment à la faiblesse du montant des bourses et à l’irrégularité des versements aux familles. L’amélioration de la gouvernance des dispositifs incitatifs actuels est d’autant plus importante que le travail des enfants continue d’exister dans notre pays. Ainsi, le « travail dangereux des mineurs entre 7 ans et 17 ans », concernait 162.000 enfants en 2017, soit 65% des enfants au travail.

En ce qui concerne les personnes en situation de handicap, il y a lieu de constater que la mise en œuvre de la politique publique intégrée pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap, adoptée en 2015, s’est réduite à la création du Centre National d’Observation, d’Etudes et de Documentation sur le Handicap. De même, les textes d’application de la loi-cadre n° 97-13 relative à la protection et à la promotion des droits des personnes en situation de handicap, adoptée en 2016, n’ont pas été publiés en 2017, retardant de ce fait la mise en place des outils prévus par la loi pour la lutte contre la discrimination que peuvent subir ces personnes.

Concernant la migration, la deuxième vague de régularisation des immigrés, lancée en 2016, s’est poursuivie en 2017. Elle s’est soldée par le dépôt de 25.600 dossiers à fin novembre. Sur le plan législatif, il convient de relever le retard de mise en place des lois prévues sur le droit d’asile et sur l’immigration. En outre, il est urgent d’apporter une solution aux conditions de vie difficiles des migrants clandestins établis dans des camps de fortune.

S’agissant des personnes âgées, l’évolution démographique et les changements des structures sociétales imposent de mettre en place une politique sociale dédiée à cette catégorie, particulièrement pour les personnes en situation de dépendance. En outre, il convient de renforcer la protection sociale pour les personnes âgées en généralisant la couverture médicale et en renforçant l’offre de soins gériatriques.

En ce qui concerne la lutte contre la criminalité, 541.140 arrestations liées à des affaires criminelles ont été enregistrées et présentées devant le parquet en 2017. Cela étant, l’attention des autorités doit être particulièrement prêtée aux délits altérant le sentiment de sécurité chez le citoyen souvent relayés et amplifiés par les réseaux sociaux. Cette situation nécessite la poursuite des efforts déployés en matière de communication afin d’empêcher la propagation d’informations erronées liées à la criminalité.

Pour ce qui est de la population carcérale, la hausse permanente des effectifs, dont 40% en détention provisoire, pose la problématique de surpopulation et du coût du système carcéral pour la société mais questionne surtout l’efficacité des peines privatives de liberté. Il convient dans ce sens d’accélérer d’un côté la réforme sur la procédure et la durée de la détention provisoire et d’un autre côté, d’introduire les peines alternatives dans le code pénal en tant que moyen de lutte contre la récidive et d’allégement de la pression sur les centres de détention.

S’agissant du dialogue social, l’année 2017 n’a pas enregistré d’avancées notables entre les partenaires sociaux. Le Conseil appelle à mettre en place les jalons d’une reprise d’un dialogue social constructif et concluant.

Pour ce qui est du climat social, 154 mouvements de grèves dans le secteur privé, menés dans 121 entreprises, ont eu lieu en 2017, engendrant 178.289 journées de grèves. La cause principale des grèves reste le non-respect du code de travail par les employeurs. Ce constat devrait alerter sur les conditions de travail dans notre pays et sur l’application du code du travail.

Parmi les nombreux déficits confirmés par le diagnostic de la situation sociale en 2017, le Conseil a particulièrement mis l’accent sur deux aspects, à savoir, la nécessité de « renforcer l’engagement en faveur de la promotion d’une égalité de genre effective » et « d’ériger l’élargissement et la préservation de la classe moyenne en tant qu’axe prioritaire des politiques publiques ».

S’agissant de la classe moyenne, le CESE préconise de :

Accorder une place primordiale à la qualité de l’emploi, à côté de l’aspect quantitatif, pour offrir aux jeunes diplômés des emplois décents qui faciliteraient leur ascension sociale ;

Eviter un affaiblissement des syndicats afin de préserver le pouvoir d’achat des salariés et veiller au respect effectif du code de travail, tout en veillant à ce que le niveau des salaires soit compatible avec le niveau de productivité des travailleurs ;

Œuvrer, en plus du ciblage des subventions qui profitera aux classes modestes, pour le renforcement de la protection du consommateur et d’une politique de concurrence effective assortie de sanctions, qui lutte contre les monopoles, les rentes de situation, les ententes sur les prix et l’abus de positions dominantes sur le marché ;

Veiller à ce que la charge fiscale sur la classe moyenne reste soutenable et garantir plus d’équité et de progressivité en matière d’impôt ;

Assurer un suivi régulier et minutieux de l’endettement des ménages ;

Améliorer l’accès et la qualité des services sociaux qui impactent le plus le niveau de vie de la classe moyenne et sa capacité d’ascension sociale, en particulier l’éducation, la santé et le logement avec ses dépenses connexes (énergie, eau…) ;

Promouvoir une plus grande participation des représentants de la classe moyenne au processus de prise de décision et notamment son implication dans la vie politique.

Pour promouvoir une égalité de genre effective, le Conseil préconise de :

Mettre en place un programme scolaire de sensibilisation continue sur l’impact des comportements discriminatoires sur l’égalité des chances entre les filles et les garçons ;

Faire évoluer les pratiques pédagogiques et y bannir tout comportement allant à l’encontre des principes de l’égalité des sexes ;

Réviser les manuels scolaires afin de lutter contre les stéréotypes basés sur le genre et les représentations réductrices des femmes ;

Encourager les médias à renforcer leur engagement en faveur de l’égalité de genre.

Situation environnementale

Sur le plan environnemental, l’année 2017 a été marquée par l’adoption de la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) et par des mouvements de protestations sociales dans certaines zones en lien avec les difficultés d’accès aux ressources hydriques. Ces évènements qui confirment l’ampleur du risque émanant du stress hydrique et ses répercussions sur d’autres dimensions telles que la stabilité sociale et la sécurité alimentaire, ont amené notre pays à mettre en place, suite aux Hautes Instructions Royales, un Programme d’urgence pour l’approvisionnement en eau et à lancer de nouveaux chantiers structurels pour améliorer l’accès à l’eau sur l’ensemble du territoire national. Dans ce cadre, un programme d’investissement pour améliorer l’approvisionnement en eau, sur la période 2018 – 2025 a été élaboré, la révision du Plan National de l’Eau a été initiée, le projet de dessalement dans la région de Souss-Massa a été lancé, des mesures incitatives pour le dessalement ont été inscrites dans la loi de finances 2018 et l’intégration des zones rurales dans le Programme national d’assainissement liquide et d’épuration des eaux usées a été prévue à l’horizon 2040.

Parallèlement, le Programme national pour l’amélioration de la qualité de l’air 2017-2030 a été adopté et l’élaboration du Plan National de Gestion Intégrée du Littoral a été initiée. Toutefois, l’aboutissement de ce Plan requiert de dépasser un certain nombre d’obstacles relevant de la gouvernance, de la capacité de coordination entre les institutions impliquées, des mécanismes d’arbitrage et de la question des dérogations dans les zones inconstructibles.

Sur le volet énergétique, l’année 2017 a connu une progression conforme aux objectifs fixés des chantiers liés aux énergies renouvelables, ainsi qu’une intégration croissante de ces dernières au secteur agricole, à l’alimentation en eau dans le milieu rural et de l’industrie (protocole signé avec le groupe BYD). En revanche, davantage d’efforts restent à déployer en matière d’efficacité énergétique.

Par ailleurs, le CESE appelle à renforcer la gouvernance durable par le développement des modes de transports à énergie propre et la mise en place d’une politique nationale pour la mobilité verte. En effet, le secteur du transport figure parmi les principaux contributeurs aux émissions de Gaz à Effet de Serre. Et si la stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique a accordé une attention particulière au transport de marchandises et à la logistique urbaine, le Maroc a besoin d’établir une politique nationale dédiée à la mobilité verte sur tout le territoire, intégrant des actions de sensibilisation, la rationalisation de la demande en transport, ainsi qu’une adaptation du système productif, du cadre réglementaire et de l’infrastructure nécessaires pour développer aussi bien l’offre que la demande de modes de transport plus propres.

Focus « Les inégalités régionales et territoriales »

Les mouvements sociaux enregistrés durant la période récente ont montré que la pauvreté, le chômage des jeunes, l’exclusion et les inégalités sont de plus en plus vécus comme des injustices par la population. En outre, le rejet croissant des inégalités au Maroc peut être lié aux changements qui ont eu lieu au sein de la société marocaine. Dans ce contexte, et étant donné que l’aggravation des inégalités affecte la cohésion sociale du pays, le CESE a consacré le focus de son rapport annuel au titre de l’année 2017 aux « inégalités sociales et territoriales » et propose dans ce sens un certain nombre de pistes d’action prioritaires dont les grands titres se présentent comme suit :

Rétablir la confiance des citoyens dans la capacité des institutions et des politiques publiques d’améliorer leurs conditions de vie, de faire valoir la méritocratie et de réduire le poids des inégalités, en concentrant les efforts sur le renforcement de la lutte contre la corruption et la généralisation de la reddition des comptes, sur la sanction des pratiques anticoncurrentielles et des privilèges et sur la réduction des délais entre l’adoption des lois et la publication des textes d’application, etc. ;

Remettre en marche l’ascenseur social à travers la réhabilitation de l’école publique assurant une éducation de qualité et accessible à tous ;

Elargir la base fiscale et mettre en place une fiscalité équitable et progressive favorisant la redistribution des revenus et des richesses ;

Renforcer le système de protection sociale en accélérant la mise en place du ciblage des aides publiques aux citoyens, en parachevant l’universalité du système de protection sociale, en regroupant les régimes de retraite, etc. ;

La mise en place d’une politique nationale, volontariste et transversale à même d’améliorer et de promouvoir la place de la femme dans la vie économique, sociale, politique et culturelle et prendre les dispositions et les mesures d’accompagnement de la loi n°103-13 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, etc. ;

La réduction des disparités territoriales via une amélioration de la gouvernance et de la démocratie locale et un renforcement des mécanismes de solidarité territoriale.

Activités du Conseil

En ce qui concerne les activités du Conseil en 2017, le Conseil a élaboré, dans le cadre d’une saisine de la Chambre des Conseillers, un « Avis portant sur le projet de loi n°89.15 relatif au Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative » et, dans le cadre d’une saisine de la Chambre des Représentants, une étude et un avis relatifs au « Développement du monde rural : espace des zones montagneuses ». Dans le cadre des auto-saisines, le Conseil a réalisé 4 rapports et 4 avis intitulés : « Changement de paradigme pour une industrie dynamique au service d’un développement soutenu, inclusif et durable », « Les villes durables », « Technologies et valeurs, l’impact sur les jeunes », « Développement du monde rural, défis et perspectives »., Le Conseil a également réalisé le « Rapport annuel au titre de l’année 2016 ».

Par ailleurs, le CESE a été élu, en 2017, premier vice-président de l’Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique et vice-président de la Ligue des conseils économiques et sociaux arabes. Le Conseil a aussi signé, en 2017, des accords de coopération avec la Chambre des Conseillers ainsi qu’avec les Conseils économiques et sociaux de la République Gabonaise et de la République de Côte d’Ivoire.

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