CESE

Rapport annuel

Rapport Annuel 2019

Élaboré conformément à la loi organique régissant le Conseil économique, social et environnemental, ce rapport comporte une analyse de la situation économique, sociale et environnementale au Maroc en 2019. Outre une revue de l’activité du Conseil au titre de l’année, le rapport annuel procède à une analyse des évènements et des réalisations qui ont caractérisé cette année.

Synthèse

Élaboré conformément à la loi organique régissant le Conseil économique, social et environnemental, ce rapport comporte une analyse de la situation économique, sociale et environnementale au Maroc en 2019.

Outre une revue de l’activité du Conseil au titre de l’année, le rapport annuel procède à une analyse des évènements et des réalisations qui ont caractérisé cette année. Le Maroc a poursuivi le processus de mise en œuvre des réformes structurantes, notamment dans le domaine l’encouragement de l’emploi, avec l’appel de Sa Majesté à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire d’octobre de la même année, à mettre en place un programme spécial d’appui aux jeunes diplômés et de financement des projets d’auto-emploi. Cet appel donnera lieu par la suite à la mise en place du programme INTELAKA.

Sur le plan économique national, des avancées notables ont été réalisées, notamment dans le secteur des infrastructures et de la logistique, le climat des affaires et l’appui à l’entrepreneuriat.

Ainsi, au niveau du secteur de la logistique et du transport, le Maroc a pu s’imposer comme l’une des plus importantes capacités portuaires en termes de conteneurs en méditerranée en 2019, grâce au lancement des opérations du nouveau port Tanger Med II, une avancée stratégique pour le positionnement du royaume dans la région.

Sur le volet du renforcement de l’environnement réglementaire et juridique des affaires, plusieurs réformes sont entrées en vigueur et des lois ont été adoptées en 2019, notamment pour la simplification des procédures et formalités administratives, la réforme des Centres régionaux d’investissement et la digitalisation (en cours d’adoption).

Cependant, en dépit de tous ces efforts déployés, les résultats en termes de croissance, d’investissement privé et de création d‘emploi demeurent, à l’évidence, en deçà des attentes. L’année s’est caractérisée ainsi par une croissance économique faible de l’ordre de 2,2%, en dessous de la moyenne de 3,2% enregistrée durant les huit dernières années. Avec cette deuxième décélération consécutive, le PIB par habitant en termes constants aurait quant à lui augmenté à un rythme modeste de 1,2% en 2019.

Outre les faiblesses structurelles qui reviennent souvent dans les différents diagnostics, la faible performance de la croissance en 2019 peut être attribuée également aux facteurs conjoncturels qui ont marqué l’année, en l’occurrence, l’atonie de la demande étrangère, la baisse des flux d’IDE, l’essoufflement des transferts de MRE, ainsi que les effets de la mauvaise campagne agricole sur la production et sur la demande des ruraux.

En matière de création d’emploi, en dépit d’un léger repli du taux de chômage de 9,5% à 9,2% en 2019, cette baisse reste toutefois liée à la diminution tendancielle du taux d’activité. En outre, le chômage demeure majoritairement de longue durée (plus des deux tiers des chômeurs) et continue toujours de peser sur les mêmes catégories, à savoir les femmes, les diplômés et les plus jeunes. En plus, la structure du marché de l’emploi au Maroc reste marquée par la prédominance du travail non qualifié, ainsi que par la précarité et la faible protection d’une proportion significative de travailleurs.

Dans l’ensemble, les évolutions récentes durant l’année 2019 montrent que malgré les efforts considérables déployés par le Maroc, un certain nombre de limites méritent d’être mises en avant :

  • Des contraintes structurelles qui limitent l’impact des politiques macroéconomiques en matière de relance :
    • La taille de plus en plus réduite de l’espace budgétaire, pris en tenaille entre le poids de l’endettement et l’étroitesse de la base fiscale, contribue à limiter les marges de manœuvre de la politique budgétaire et restreint ses effets en matière de relance.
    • La deuxième contrainte est liée à la relance par la politique monétaire. Les faits stylisés de l’économie marocaine entre 2009 et 2019, montrent que si une orientation accommodante de la politique monétaire est toujours nécessaire dans une conjoncture difficile, elle reste néanmoins insuffisante pour garantir une réelle reprise de l’économie, en l’absence d’un effort synchrone au niveau des autres politiques économiques.
    • Au niveau de la politique de change, si le processus de flexibilisation est théoriquement censé renforcer la compétitivité des exportations en se dépréciant en cas de chocs négatifs, il n’en demeure pas moins que cet effet peut être entravé par les caractéristiques intrinsèques à notre économie, notamment, la forte dépendance de nombreux secteurs exportateurs des importations de demi-produits, d’intrants et de biens d’équipement.
  • La nette amélioration du classement du Maroc dans le doing business ces deux dernières années semble ne pas concorder avec la perception qu’ont les entreprises de la réalité sur le terrain : le classement de doing business constitue plutôt une évaluation juridique « de Jure » qui se base sur les avis d’experts et sur les avancées en termes de textes de loi et de nouveautés réglementaires. La prise en charge de ces défaillances de l’environnement des affaires sera également un élément déterminant dans la réussite du programme INTELAKA. Son succès restera en effet tributaire des efforts qui seront déployés parallèlement, pour atténuer les facteurs menaçant la survie des petites entreprises, en dehors de la dimension du financement.
  • L’incertitude élevée et le manque de visibilité créent une méfiance et un attentisme qui plombent l’investissement et la croissance et pénalisent l’initiative entrepreneuriale en créant un effet de découragement auprès des nouveaux entrepreneurs potentiels.

S’agissant du volet social, l’année 2019 s’est écoulée sans avancées majeures au niveau du traitement des problématiques sociales au Maroc. Ainsi, au niveau de l’éducation, l’année a principalement connu l’adoption de la loi-cadre sur l’éducation et la formation, après des débats houleux qui ont principalement concerné les questions de langue d’éducation. Sur le plan de la formation des enseignants et de l’abandon scolaire, qui restent deux problématiques-phares qui caractérisent le secteur et affectent sa qualité, l’année n’a pas connu d’avancées à signaler.

Toujours dans le cadre des réformes lancées en 2019, le secteur de la formation professionnelle a été marqué par le lancement du plan de réforme axé sur la mise en place des « cités des métiers et des compétences » Néanmoins, il convient de s’interroger sur la capacité de la feuille de route lancée en 2019 d’assurer une qualité de formation professionnelle à même d’améliorer l’employabilité de tous les stagiaires admis dans les rangs des établissements et non seulement aux stagiaires des cités des métiers et des compétences.

Pour ce qui est de la santé, des lacunes et déficits importants continuent à peser sur le système national de la santé, dont principalement la question relative à la densité médicale et à la répartition des structures de soins et appareils médicaux sur l’ensemble du territoire. Sur le plan de la protection sociale, l’année 2019 a connu une importante hausse des immatriculées (+2,2 millions de nouveaux immatriculés), la plus importante depuis le lancement du régime en 2012, en lien avec le début d’usage de la carte RAMED parmi les critères d’éligibilité pour d’autres programmes d’aide sociale aux ménages.

A propos de la lutte contre les violences faites aux femmes, les résultats de l’enquête nationale de prévalence des violences à l’égard des femmes, publiés en 2019, permettent de constater une prévalence inquiétante dans la société. L’analyse de la perception sociale de ces violences démontre une certaine acceptation aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

Parmi les catalyseurs des violences à l’égard des femmes figure le mariage précoce des petites filles, qui a été remis sur la table en 2019 par plusieurs acteurs institutionnels et des associations de protection des droits des enfants, à l’instar du CESE. Ce type de mariage, qui représente une atteinte aux droits des enfants, connait une croissance depuis quelques années. En plus du préjudice avéré, aux risques de précarité, de dépendance financière et de violences physiques et psychiques auxquels l’enfant marié est exposé, le maintien du mariage des enfants, à travers les dérogations tel que c’est le cas depuis la réforme du code de la famille en 2004, est une incohérence par rapport à la Constitution qui consacre les droits des enfants et consacre le principe de la primauté du droit international.

Toujours à propos des personnes en situation vulnérables, des avancées timides ont été enregistrées en 2019 dans la mise en œuvre des dispositions de la loi-cadre n° 97-13 relative à la protection et la promotion des personnes en situation de handicap. Il y a également lieu de signaler le début de l’opération de recrutement des personnes en situation de handicap (PSH) dans la fonction publique, selon le quota de 7% des postes, établi par la loi cadre. Néanmoins, dans le secteur privé, le cadre contractuel devant permettre la lutte contre la discrimination de l’accès des PSH à l’emploi, n’a toujours pas été adopté.

Pour ce qui est de la lutte contre la criminalité, les opérations des services compétents ont permis d’appréhender près de 644.000 personnes impliquées dans des crimes et de les traduire devant la justice. Ce chiffre représente une hausse de 11,7% comparé à l’année précédente et interroge sur la politique carcérale que devrait mener le pays pour lutter contre la récidive, surtout à l’heure où le bien-fondé de la seule incarcération est de plus en plus discuté.

S’agissant de l’immigration, plusieurs textes majeurs prévus par la Politique Nationale de l’Immigration et de l’Asile (PNIA) n’ont pas connu d’avancement significatif, à l’instar du projet de loi 66-17 sur la procédure d’asile.

A propos du dialogue social, l’année 2019 a été marquée par la signature de l’accord du 25 avril entre les partenaires sociaux, après plusieurs années passées sans que ces derniers ne puissent parvenir à un accord sur les revendications syndicales. Parmi les termes de cet accord, l’institutionnalisation du dialogue social à travers la création de mécanismes de concertation, dont la haute commission de consultation.

Toujours sur le plan des mobilisations sociales, l’année 2019 a enregistré une baisse des grèves dans les entreprises privées, avec un recul de 63,6% d’une année à l’autre du nombre de salariés grévistes. Néanmoins, la principale cause des grèves reste l’atteinte aux droits basiques des salariés. Des mobilisations sectorielles, notamment dans le secteur public sont à relever en 2019, à l’instar des manifestations des enseignants des AREF, pour l’intégration de l’ensemble des enseignants dits « contractuels » dans la fonction publique, avec un rattachement direct au Ministère de tutelle. Le secteur de la santé a connu également une mobilisation des médecins et étudiants en médecine dans le secteur public pour l’amélioration de la formation et des conditions de travail dans les hôpitaux ainsi que l’augmentation des moyens du secteur public de la santé.

Concernant le volet environnemental, l’année 2019 a été marquée par la tenue de la COP 25, du 2 au 15 décembre, en Espagne. Cette édition a été plutôt en-deçà des attentes en termes de réalisation des objectifs annoncés. Des décisions importantes ont été ainsi reportées

Du côté marocain, le département du développement durable a présenté en mars 2019, son Plan Climat National (PCN) qui détaille les objectifs en termes d’adaptation et d’atténuation, ainsi que les financements nécessaires pour leur réalisation. Néanmoins, la feuille de route du PCN n’est pas encore adoptée par le Conseil de gouvernement. En outre, la politique climatique marocaine est amenée à dépasser les insuffisances qui ralentissent sa mise en œuvre en procédant, notamment, à l’amélioration de la coordination au vu de la transversalité de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) et de la multiplicité des acteurs concernés, et à la promotion de l’accès à la finance climatique internationale.

Sur le volet énergétique, le Maroc a poursuivi la réalisation de ses projets de déploiement des énergies renouvelables qui lui ont permis de porter la contribution des sources renouvelables à la capacité électrique installée à 36,7% à fin 2019. En plus, le Maroc a pu passer, récemment, de statut d’importateur net à celui d’exportateur net d’électricité.

Malgré le verdissement du mix électrique marocain, le taux de dépendance énergétique du pays demeure élevé, autour de 91 %, et continue à peser sur la balance commerciale marocaine, les hydrocarbures fossiles continuant à représenter 70% de la consommation nationale d’énergie primaire.

Sur un autre registre, le processus de préparation de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale pour le Développement Durable 2030 s’est poursuivi en 2019. Des réalisations ont, en effet, été enregistrées notamment, la publication au Bulletin Officiel du décret portant création du Comité national de développement durable, l’adoption de 19 plans sectoriels de développement durable, ainsi que la mise en place de plans spécifiques pour chaque ministère en vue de la réalisation du pacte d’exemplarité sur la période 2019 à 2021.

Par rapport à la problématique de l’eau, l’année 2019 a été marquée par l’élaboration du nouveau Plan National de l’Eau, suite à la promulgation de la loi 13-15 sur l’eau. Ce plan ambitieux qui vise l’amélioration de l’offre en eau pour faire face à la pénurie hydrique et à une demande en eau en hausse continue, est associé à un coût financier estimatif avoisinant les 383 milliards de dirhams pour les 30 prochaines années.

La partie dédiée habituellement aux points de vigilance a été consacrée à la crise de la Covid-19, tant l’exceptionnalité de la situation dans le monde et au Maroc est évidente. La pandémie a en effet contraint la plupart des gouvernements à instaurer un confinement total des populations et la crise sanitaire s’est ainsi transformée en une crise multiforme, économique, sociale, psychologique…

Les pouvoirs publics au Maroc ont réagi avec une grande réactivité à la menace pour préserver la santé des citoyens, en déclarant rapidement l’état d’urgence avec un confinement total strict, en créant le Fonds spécial COVID et en mettant en place un comité de veille économique. Un élan louable de solidarité a été constaté et le fonds Covid a permis de mutualiser les risques et de réduire les dégâts liés à la perte temporaire d’emploi et de revenu. Les réactions du système productif national, directement liées à la crise, sont à saluer également (production de masques de protection, de gels et désinfectants, de respirateurs, etc.), d’autant plus que les circonstances ont révélé les capacités des jeunes chercheurs et entrepreneurs en matière d’innovation. Au-delà du court terme, la crise sanitaire marquera certainement le Maroc et le monde durant des années, si ce n’est de manière permanente.

La crise a frappé de plein fouet l’économie et la société marocaines. Sur le plan économique, la particularité de la crise actuelle réside dans ses répercussions qui se sont manifestées aussi bien au niveau de l’offre que la demande. Les prévisions de croissance tablent sur une forte contraction du PIB en 2020. L’impact économique de la crise a été ressenti différemment d’un secteur à l’autre et de nombreuses entreprises ont été concernées par des fermetures définitives et temporaires. Au titre du mois d’avril, Près de 61% des entreprises affiliées à la CNSS ont déclaré être impactées par la crise de la Covid-19.

La crise a également mis en avant certaines vulnérabilités économiques, notamment la fragilité des équilibres externes, fortement dépendants des recettes touristiques, des transferts de MRE et des décisions stratégiques des grands investisseurs implantés au Maroc (secteur automobile) et de celles des grands donneurs d’ordre étrangers dont dépendent fortement les TPME nationales dans certains secteurs comme le textile et habillement. L’étroitesse des marges de manœuvre budgétaires a été aussi l’une des vulnérabilités exacerbées durant la crise actuelle. Une caractéristique qui a contraint le pays à relâcher les contraintes législatives et réglementaires pour pouvoir recourir à l’endettement externe.

S’agissant des répercussions sociales, elles ont été sévères à l’image de l’ampleur du choc. Près de 950 000 salariés ont déclaré être en arrêt temporaire de travail dans le secteur formel à fin avril. Les catégories de travailleurs relevant des professions les plus précaires, notamment dans le secteur informel, ont été encore plus concernées par les pertes de revenu durant la crise, d’autant plus que malgré, les grands efforts déployés, certains ménages ont rencontré des difficultés pour accéder aux aides programmées.

Par ailleurs, les restrictions de déplacement entre les villes et la crainte d’être contaminé en cas de sortie, a conduit au renoncement de citoyens aux soins. Le confinement a également révélé au grand jour les inégalités en termes d’accès à l’éducation, l’école à distance ayant exacerbé les fractures entre élèves issus de milieux à capital social et culturel différents, tout en dévoilant les inégalités d’accès à internet et aux équipements numériques dont souffrent de larges franges défavorisées de la population.

En matière de gestion de la crise, le Maroc s’est montré très réactif au début, en faisant preuve d’une bonne capacité d’anticipation. Néanmoins, suite au deuxième prolongement du confinement et en réaction à certaines déclarations officielles récentes qui donnaient l’impression d’un manque de visibilité et de coordination chez les pouvoirs publics, un mécontentement semble s’être installé chez les citoyens et les différents acteurs économiques.

L’ampleur des dégâts engendrés par la crise de la Covid ont rendu urgent la mise en place d’un plan de relance de l’économie. De nombreuses mesures de relance ont déjà été mises en place par le Comité de Veille Economique et le gouvernement a entamé l’élaboration d’une loi des finances rectificative. En outre, la banque centrale a pris un certain nombre de décisions destinées à réduire le coût du crédit, à renforcer la liquidité au niveau du système bancaire et à alléger les contraintes prudentielles. Eu égard aux pertes occasionnées, le plan de relance nécessitera un budget conséquent, au moment où les options de financement demeurent assez limitées. Toutefois, au-delà du mode de financement, l’aboutissement de la phase de relance serait un élément favorable pour rétablir la « confiance » dans la gestion publique qui a été ébranlée au cours de ces dernières années.

Parallèlement à la relance à court terme, la crise sanitaire a mis en exergue la nécessité d’engager un processus de restructuration profond du modèle économique et social de notre pays pour plus de résilience face aux chocs futurs et un meilleur repositionnement sur l’échiquier économique régional et mondial. Pour le CESE, un certain nombre d’axes ressortent comme étant prioritaires dans la phase post-Covid. Sur le plan économique, il s’agit de :

  • Reconstituer et améliorer l’espace budgétaire durant la phase post-covid, une fois que l’activité économique sera stabilisée et qu’elle aura repris son rythme, pour une plus grande capacité à réagir aux chocs futurs et renforcer les stabilisateurs automatiques ;
  • Mettre en place un Fonds permanent de stabilisation contre chocs majeurs qui servira à mutualiser les risques pour une meilleure résilience de l’économie ;
  • Promouvoir des industries de substitution aux importations (ISI) et améliorer le taux d’intégration industrielle des métiers mondiaux, pour réduire la vulnérabilité de l’économie aux éventuelles perturbations des chaines d’approvisionnement dans les crises futures et aux risques de relocalisation. Les incitations accordées aux industries nationales doivent cependant être conditionnées par la performance des entreprises bénéficiaires ;
  • Poursuivre le processus de révision déjà entamé des différents accords commerciaux conclus par le Maroc, pour appuyer les industries nationales ;
  • Une diversification sectorielle de l’offre Maroc, porteuse de montée en gamme, afin d’augmenter sa résilience aux chocs asymétriques frappant un secteur donné ;
  • Engager une politique de promotion de la consommation des produits finis et intermédiaires “Made in Morocco”, créer un cadre incitant les grandes entreprises à travailler avec les fournisseurs locaux et généraliser la clause de la préférence nationale à toutes les commandes publiques, en contrepartie de cahiers de charge objectif à respecter ;
  • Saisir l’opportunité des éventuels changements au niveau des chaines de valeurs en privilégiant la proximité et les chaines de valeurs régionales ;
  • Développer les secteurs stratégiques visant à renforcer la souveraineté du pays, notamment, dans les domaines de la souveraineté alimentaire, la sécurité énergétique, la souveraineté sanitaire et aussi la souveraineté technologique pour passer d’un consommateur net à un producteur net et actif de connaissance ;

Pour ce qui est des actions structurelles d’ordre social, le Maroc devrait prioriser :

  • Le renforcement des secteurs sociaux de base, particulièrement, l’éducation, avec la mise en place d’un système de formation digitalisé qui complètera et renforcera le système de formation présentiel, tout en résorbant les inégalités en matière d’équipements numériques et d’accès à la connexion internet ;
  • Une révision à la hausse du budget de la santé publique et le développement de la la télémédecine , tout en améliorant l’offre de soins par la formation en nombre suffisant du corps médical, l’augmentation de la densité médicale, la mise en place d’un CHU par région, etc. ;
  • L’intégration et la structuration du secteur informel en proposant des mesures incitatives comme l’application d’un impôt forfaitaire réduit aux unités de production informelles (UPI) souhaitant rejoindre le formel en exonération de toute autre taxe ou redevance, la mise en place de guichets d’accompagnement pour le passage des UPI au secteur formel, avec notamment des activités d’information, de formation et de sensibilisation, etc. ;
  • La révision du système actuel de protection sociale et renforcer les filets sociaux pour les personnes vulnérables. Cela pourrait exiger également la création d’un fonds de solidarité sociale géré de manière transparente, participative et indépendante du budget de l’Etat. Ce fonds ne pourra toutefois être mis en place qu’après avoir assuré un élargissement de l’assiette fiscale pour pouvoir l’alimenter, conformément au principe constitutionnel de participation de toute personne physique et morale, dans l’effort de développement, selon les capacités contributives réelles de chacun.

Une action structurelle d’ordre transverse réside dans la nécessité d’opérer un véritable virage numérique. Cinq domaines doivent s’accaparer une attention particulière :

  • La digitalisation dans un délai d’une année au maximum, de tous les services administratifs destinées au citoyen. Cela requiert de développer l’interopérabilité entre administrations, le renforcement de l’identification digitale et l’utilisation du paiement électronique ;
  • Un soutien financier plus important aux TPME pour faciliter leur digitalisation et appui financier et technique aux entrepreneurs individuels et commerçants dans leur processus de digitalisation ;
  • Une digitalisation plus poussée de certains services sociaux, notamment, l’éducation à distance et la télémédecine ;
  • Le renforcement de l’Inclusion et la justice numériques en démocratisant l’accès à internet et aux équipements numériques et en généralisant la culture numérique à un âge précoce dans toutes les écoles ;
  • La révision selon une approche participative le code du travail pour y inclure le télétravail et ses spécificités, tout en insistant sur les droits de ce type de travailleurs en matière de protection sociale, de respect du volume horaire de travail, de droit à la déconnexion, etc. ;

Enfin, et pour consacrer la protection des acquis et la consolidation de l’Etat de droit, les restrictions et mesures prises dans le contexte de l’état d’urgence ne doivent devenir en aucun cas une norme, ni permettre un recul dans les acquis du pays en matière d’Etat de droit et des libertés. Il serait judicieux, dans ce sens, que les institutions constitutionnelles habilitées ainsi que la société civile évaluent les dépassements qui ont pu avoir lieu lors de l’application de l’état d’urgence et de veiller à ce que le retour à la situation normale ne signifie aucunement que des mesures liberticides soient intégrées de façon pérenne dans la vie des citoyens.

Dans le cadre du focus thématique de l’année 2019, le CESE s’est penché sur l’analyse de la situation de crise multidimensionnelle autour des deux présides occupés de Sebta et Melilla. L’accent a été mis sur la problématique de la contrebande dans ces régions, et particulièrement sur les défis que pose la fermeture récente des deux points de passage pour le Maroc. En effet, les deux présides sont devenus il y a plus d’une dizaine d’années des points noirs, étant donné les risques qu’ils présentent pour les citoyens et citoyennes marocains, pour l’économie de notre pays, le respect des droits et pour la sécurité du pays. Des personnes, surtout des femmes y ont perdu leur vie et leur dignité, les lois sont violées, les droits humains bafoués, de grandes pertes économiques et financières essuyées et de sérieuses menaces guettaient en continu la santé des citoyens. A ces éléments, il est important d’ajouter que les régions autour des deux présides se sont transformées avec le temps en points d’attraction de l’immigration clandestine et parfois en espace d’affrontements et de violences.

La contrebande autour de laquelle s’articulait tout un écosystème solidaire et interdépendant, s’est transformée d’une activité vivrière à un trafic fortement organisé et structuré dont seule une partie est apparente. Cette situation exige des pouvoirs publics d’apporter en toute urgence les réponses appropriées pour traiter le fond du problème et ses causes structurelles.

A travers sa réflexion, le CESE a souhaité construire une vision à soumettre aux pouvoirs publics pour l’accompagnement des colporteur(se)s, et particulièrement les femmes, vers des activités formelles et pour le développement économique des zones les plus concernées. Cette ambition passe nécessairement par une stratégie de reconversion de l’écosystème de contrebande vers des activités formelles, et à travers des solutions appropriées à même d’offrir des alternatives viables aux populations locales dans les régions autour de Sebta et Melilla.

Dans ce sens, le CESE préconise trois groupes de recommandations en réaction aux problèmes posés par la fermeture des deux points frontaliers :

  • Le premier groupe de recommandations est d’ordre transversal, et concerne la dimension de la gouvernance. Cette dernière constitue une condition sine qua non de la réussite de toute stratégie et surtout dans ces zones où le facteur confiance a subi, historiquement, plusieurs chocs,
  • Le deuxième groupe de mesures a trait au court terme et vise à créer des opportunités pour les personnes ayant perdu leur travail en tant que commerçants ou colporteur(se)s après la fermeture des points de passage,
  • Le troisième groupe de mesures concerne pour sa part, le moyen / long terme. Il vise la promotion du développement dans ces régions en proposant des pistes d’inflexion stratégiques visant la réduction du différentiel de développement social et économique avec le voisin espagnol, et l’instauration de conditions nécessaires pour améliorer l’attractivité de cette zone.

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