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Renforcer le lien intergénérationnel entre les Marocain(e)s du Monde et le Maroc: les chances et les défis

Le présent avis porte sur le contenu multidimensionnel du lien entre les Marocains du Monde et le Maroc, sur les facteurs qui en définissent la particularité et la profondeur, et sur les voies et moyens pour en renforcer la vitalité et en préserver la durabilité. Il s’inscrit en ligne directe avec le Discours Royal du 20 août 2022 dans lequel Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré Son appel à l’ensemble des institutions nationales en vue d’un bilan prospectif et une refonte des cadres législatifs et des politiques publiques dédiés aux attentes, aux intérêts et aux droits des Marocains du Monde, à l’appui de leurs projets et à la promotion de leur contribution au rayonnement et au développement du Royaume.

Synthèse

Le présent avis porte sur le contenu multidimensionnel du lien entre les Marocains du Monde et le Maroc, sur les facteurs qui en définissent la particularité et la profondeur, et sur les voies et moyens pour en renforcer la vitalité et en préserver la durabilité. Il s’inscrit en ligne directe avec le Discours Royal du 20 août 2022 dans lequel Sa Majesté le Roi Mohammed VI a réitéré Son appel à l’ensemble des institutions nationales en vue d’un bilan prospectif et une refonte des cadres législatifs et des politiques publiques dédiés aux attentes, aux intérêts et aux droits des Marocains du Monde, à l’appui de leurs projets et à la promotion de leur contribution au rayonnement et au développement du Royaume. Dans cet esprit, le CESE astructuré le présent avis  autour de quatre axes complémentaires: 1) l’amélioration de la connaissance de la situation, des perceptions et des attentes des MDM ; 2) du renforcement de la qualité et de l’efficacité des services qui leur sont dédiés ; 3) de l’amélioration de l’accueil et de la dynamisation de leur contribution aux projets et au modèle de développement du pays sur les plans scientifique, universitaire, culturelle, et économique ; 4) de la dynamisation et de la convergence de la chaîne des structures institutionnelles, administratives, représentatives et associatives qui ont vocation à assurer l’écoute, la participation et la représentation des MDM et la co-construction avec eux des politiques publiques qui le concernent au niveau national, régional et territorial.

Les Marocains du Monde représentent près de 15% de la population totale du Maroc et contribuent à plus de 7% au produit intérieur brut du pays. Leur sentiment d’appartenance et le poids structurel de leur contribution aux besoins sociaux et à l’équilibre macroéconomique du pays est à la fois une opportunité et un défi. .

La migration a permis aux MDM d’élargir leurs horizons, de changer leurs conditions de vie et celles de leurs familles, et d’enrichir leurs expériences professionnelles. Ils évoluent entre des univers socioculturels aux histoires, identités, cadres de vie et environnements politiques différents. Nos compatriotes apportent leur labeur, leur énergie créatrice et leurs ressources aux sociétés qui les accueillent comme à celle de leur pays d’origine. Ces femmes et ces hommes sont de plus en plus confrontés et presque partout à un climat politique hostile à l’immigration. 

Malgré ce contexte le désir d’émigrer persiste, vers de nouvelles horizons, notamment en direction de l’Amérique du Nord, et avec une segmentation croissante de la population marocaine migrante, majoritairement jeune, de plus en plus féminisée, diplômée, laborieuse au point d’accepter souvent des positions sous-qualifiées. Si la population marocaine émigrée compte de brillants succès, aux compétences de rang mondial dans de nombreux secteurs et plusieurs pays, elle comprend aussi de larges catégories vulnérables, dont une partie difficile à estimer est dépourvue de titres de séjour, des enfants mineurs dits « non accompagnés » victimes de réseaux de trafics et d’exploitation, des femmes travailleuses subissant des mauvais traitements multiformes, des personnes âgées esseulées assignées à demeurer dans les pays d’émigration en l’absence de possibilités de transférer leurs droits à pension ou leurs droits à la protection sanitaire acquis dans les pays d’émigration.

Ce tableau suffit à rappeler l’importance d’assurer aux MDM une protection effective de leurs droits et de leur dignité partout où ils se trouvent, et de poursuivre les efforts pour leur assurer un accès de qualité aux services consulaires, administratifs, sanitaires et sociaux, la proximité des services culturels, et de répondre de façon rationnelle et crédible à leur demande cultuelle dans le respect de la personnalité religieuse marocaine et des lois des pays d’accueil. Cet avis plaide pour l’organisation des transferts de compétences et l’encouragement actif des échanges et de la co-construction avec les talents marocains expatriés, dans tous les domaines, scientifiques, universitaires, industriels ainsi que dans les domaines des arts et de la culture. Un tel cadre, mettant les individus au centre des politiques, augmentera les chances de succès des programmes et des dispositifs, eux-mêmes à rénover, pour encourager l’implication économique et les projets d’investissement des MDM.

La situation, les perceptions et les perspectives des Marocains du Monde sont en train d’évoluer. Nos compatriotes expatriés sont de plus en plus enracinés et engagés dans la vie civique de leurs pays d’accueil. Leur lien au Maroc, tel qu’il s’est exprimé dans la consultation en ligne organisée par le CESE pour la préparation de ce avis, s’exprime désormais de façon tranchée entre, d’un côté, un puissant attachement à l’Institution Royale, à la personne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à son rôle international et la défense de la cause sacrée du Sahara, une satisfaction des progrès du développement du pays, l’attachement à ses valeurs et sa culture et, de l’autre côté, une claire aversion à des irritants tels que la corruption, l’insécurité juridique, la lourdeur des services administratifs. La majorité des MDM n’envisage pas de retour définitif au Maroc mais aspire cependant à en servir le développement, à lui apporter ses compétences et ses savoir-faire ; un grand nombre aspire à y travailler de manière alternée.

L’émigration ne doit pas et ne peut plus être réduite à une à une fonction de traitement du chômage, de recettes en devises et de réduction du déséquilibre des comptes extérieurs. Cet avis est, à cet égard, une contribution du CESE à un changement de perception sur le rapport aux MDM via notamment la refonte des dispositifs institutionnels et des politiques publiques qui leur sont dédiés.

Encadré : Les pistes d’action proposées par le CESE

Cadre institutionnel : le CESE plaide pour la mise en place d’une architecture institutionnelle renouvelée en : 

  • attribuant à un ministre délégué auprès du ministère des affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, chargé des affaires des MDM, la mission et la responsabilité de concevoir et de veiller à la bonne mise en œuvre de la stratégie MDM ;
  • érigeant la fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger en établissement public stratégique qui constituera l’opérateur et le bras opérationnel pour le déploiement de la stratégie MDM, en concertation avec les autres acteurs et parties prenantes. Œuvrant sous la tutelle du ministre délégué chargé des MDM, qui préside son conseil d’administration, cet établissement devra être doté des compétences et des ressources nécessaires au bon accomplissement de ses missions ; 
  • hissant la commission ministérielle chargée des MRE et des affaires de la migration au rang d’une haute commission stratégique investie exclusivement du dossier des MDM. Placée auprès du chef du gouvernement, cette commission à composition multi parties prenantes, qui se réunira obligatoirement au moins deux fois par an, devra être dotée de larges pouvoirs de suivi et d’arbitrage liés à la mise en œuvre de la stratégie et des programmes destinés aux MDM.

Qualité des services dispensés par l’administration et les autres acteurs au profit des usagers MDM : 

  • Mettre en place une plateforme digitale unique (guichet unique) qui assure l’interopérabilité entre tous les intervenants de l’écosystème destiné aux MDM. Les MDM pourraient avoir accès, à travers cette plateforme, aux différents services, prestations et informations sur les procédures qui les concernent (documents consulaires, aide à l’investissement, informations culturelles, cours de langue arabe, etc.).
  • Renforcer les ressources humaines des consulats en termes d’effectifs, de compétences et de polyvalence et développer davantage les unités consulaires mobiles dans les pays peu ou insuffisamment digitalisés.

Accès aux services cultuels et culturels :

  • Œuvrer, en collaboration avec les ambassades, à la modernisation de l’offre cultuelle destinée aux MDM. 
  • Promouvoir la création de dispositifs de nouvelle génération, digitalisés (« hors-murs »), à fonctionnement souple, inclusifs, dédiés au développement de l’action culturelle du Maroc à l’étranger. Ces opérateurs seraient notamment chargés de l’organisation d’évènements et d’animations autour des MDM au Maroc, et du Maroc dans les pays de résidence des MDM, sous forme de forums de dialogue, d’expositions, de concerts, d’évènements culturels et d’animations citoyennes.

Accès à la protection sociale :

  • Engager un dialogue avec les pays d’accueil pour mettre à jour et/ou élargir l’étendue des accords bilatéraux de sécurité sociale afin d’alléger les conditions qui entravent l’accès des MDM à leurs droits à la pension et aux soins, lors de leur retour ou de leur passage au Maroc. 
  • Mettre en place, en s’associant à un réseau de banques et d’assurances, une offre d’assurance maladie pour les ascendants et une offre d’assurance retraite volontaire pour les MDM assortie de dispositions fiscales incitatives.

Mobilisation et accueil des compétences des MDM : 

  • Prévoir dans l’arsenal législatif et réglementaire (notamment le projet de loi n° 63.21 portant organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique) des dispositions facilitant la mobilité des compétences marocaines exerçant à l’étranger, en particulier les enseignants, les experts et chercheurs universitaires. 
  • Développer, sur la base d’un partenariat public-privé, une plateforme digitale de gestion prévisionnelle des emplois et compétences centrée sur les profils spécifiques des MDM et adressant les nouveaux métiers et les métiers en tension sur le territoire national. 

Transferts financiers et mobilisation économique des MDM : 

  • Ouvrir activement le Fonds Mohammed VI pour l’investissement aux apports des MDM et /ou mettre en place un fonds d’investissement dédié aux MDM dans le but de consacrer des ressources à des activités ayant un impact positif social et environnemental, au « private equity », et à l’économie sociale et solidaire. 
  • Encourager les acteurs du secteur financier marocain à développer des produits d’épargne et de retraite complémentaires et attractifs dédiés aux MDM.
  • Création de Chambres de commerce du Maroc avec la participation actives des MDM opérateurs économiques dans les pays de résidence.

En termes de représentation et participation politiques des MDM : 

  • Développer la participation et la représentation des MDM dans les institutions consultatives, de régulation et de bonne gouvernance.
  • Mettre en place les dispositifs matériels, notamment digitaux, renforçant la participation des MDM aux scrutins législatifs.

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