Réalisée dans le cadre d’une saisine émanant du Chef du Gouvernement, cette étude vise à identifier les principaux problèmes et dysfonctionnements à traiter en matière de politique de santé mentale, de prise en charge des troubles mentaux et de prévention du suicide.
Au niveau international, l’OMS estimait en 2019, que près d’une personne sur huit dans le monde souffrait d’un trouble mental. Le suicide a, quant à lui, touché plus d’une personne sur cent. Or, malgré l’ampleur du phénomène et le fait que la santé mentale est considérée par l’OMS comme une composante essentielle et indissociable de la santé générale, la plupart des systèmes sanitaires ont tendance à négliger la santé mentale et n’offrent pas les soins et l’accompagnement adéquats. En effet, les États ne consacrent en moyenne à la santé mentale que 2% de leurs budgets dédiés à la santé.
Au Maroc, en l’absence de statistiques exhaustives et précises sur l’investissement public en matière de santé mentale, il apparait néanmoins que l’investissement réalisé par l’Etat dans ce domaine est manifestement insuffisant en termes de capacité litière et de ressources humaines.
Par ailleurs, le CESE relève que la question de la santé mentale demeure appréhendée quasi-exclusivement sous l’angle de la maladie mentale, en occultant le rôle prédominant des déterminants socioculturels de la santé. Ces déterminants peuvent être notamment biologiques, sociaux/sociétaux (violence familiale et sociale, discrimination à l’égard des femmes, etc.) et économiques (conditions de travail en milieu professionnel, chômage, etc.). Ces facteurs peuvent, soit influer positivement sur la santé mentale des personnes, soit au contraire, la compromettre, de manière plus ou moins marquée, selon le degré de vulnérabilité des personnes atteintes et les caractéristiques du milieu dans lequel elles évoluent.
En outre, plusieurs insuffisances ont été constatées au niveau du cadre légal et de l’expertise judiciaire, psychiatrique et psychologique. A cela s’ajoutent les difficultés liées à l’internement judiciaire en établissement psychiatrique, à titre préventif ou pénal, pour les personnes présentant des troubles mentaux. Cet état de fait est exacerbé par des insuffisances notoires en matière de capacité litière et d’infrastructures dédiées.
Partant de ce diagnostic, le CESE préconise une série de recommandations, dont il est permis de mettre en exergue les plus importantes, à savoir :
- Elaborer des politiques et programmes publics concertés de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux adossés à des indicateurs chiffrés et mesurables ainsi qu’à des études d’impacts sanitaires et sociaux. Ces politiques et programmes publics doivent prendre en considération les déterminants socioculturels de la santé.
- Améliorer l’accès des patients à des soins psychiques et psychiatriques de qualité, en phase avec l’évolution des connaissances et des traitements en matière de santé mentale et tenant compte des besoins spécifiques des patients liés à leur âge, leur condition socio-économique, leur environnement, et leurs vulnérabilités.
- Réviser et mettre à jour la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) concernant la prise en charge des troubles mentaux et la tarification nationale de référence qui y est associée, en tenant compte des évolutions médicales de la prise en charge des troubles mentaux.
- Promouvoir le développement de la profession de psychologue, en définissant un statut juridique spécifique des psychologues et en les inscrivant dans une liste officielle de la profession.
- Renforcer les garanties juridiques et judiciaires des personnes atteintes de troubles mentaux, en vue de prendre en considération leur état de santé et leur assurer une meilleure protection. Pour ce faire, il convient (i) de réviser, avant adoption, le projet de loi 71-13 relatif à la lutte contre les troubles mentaux et à la protection des droits des personnes atteintes de ces troubles, en concertation avec les représentants des professionnels et des usagers, et (ii) de faire évoluer le code pénal et le code de procédure pénale en tenant valablement compte des spécificités de la maladie mentale et des besoins des patients concernés.
- Agir sur les risques psychosociaux dans le monde du travail. Pour ce faire, il convient de (i) ratifier la convention N°190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement, (ii) développer la médecine du travail au sein des entreprises, (iii) faire évoluer le code du travail en matière de reconnaissance du harcèlement moral, (iv) développer la liste des maladies professionnelles en y inscrivant les troubles psychiques et mentaux liés aux conditions de travail.